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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Houri VARJABEDIAN
( n. 1955 )

L'auteur

Houri VARJABEDIAN --- Cliquer pour agrandir
Naissance le 30 avril 1955 à Casablanca (Maroc)

Houri Varjabédian est née à Casablanca en 1955. Sa famille, originaire de Beyrouth de longue date, du quartier de Rmeil du côté paternel et de Basta du côté maternel, a toujours été très engagée dans la vie libanaise et arménienne. Le grand-père, Vahram Varjabédian a été élève du Collège Saint-Joseph et a publié des études sur l'histoire de Beyrouth. Elle s’est formée dans l'atmosphère d'une famille où la langue arménienne a toujours constitué un élément essentiel, le quotidien Haratch expédié depuis Paris s’avérant un lien inoubliable pour tous les membres de cette minuscule communauté du Maroc. Elle va être marquée par la présence de personnages tels qu’Araxie, l’épouse du poète Daniel Varoujan, ou celle de Soghomon Tehlirian, à qui l’on doit l’exécution de Talaat Pacha.
Après une scolarité classique dans le lycée français de Casablanca, elle poursuit ses études de pharmacie à Marseille où la présence d'une importante communauté arménienne lui permet d’approfondir son intérêt pour la culture et sa connaissance de la langue arménienne tout en participant à de nombreuses activités militantes, notamment pour la défense des prisonniers politiques. La découverte du «Yerkir» («Pays») passe par une participation à un chantier de restauration avec l'organisation Terre et culture au monastère de Saint Thaddée en Iran du Nord puis par une mission humanitaire en Arménie encore soviétique quelques jours après le séisme de décembre 1988. Elle collabore à la collection «Arménies», puis «Diasporales» des Éditions Parenthèses avec la volonté de faire découvrir des écrivains arméniens en traduction et de créer un espace pour les nouveaux auteurs d'Arménie et de diaspora.

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Livre numéro 2439
Houri VARJABEDIAN --- Cliquer pour agrandir Au nom du père et du fils
Titre : Au nom du père et du fils / auteur(s) : Vahé BERBERIAN -
Editeur : Parenthèses
Année : 2021
Imprimeur/Fabricant : 58-Clamecy : La Nouvelle Imprimerie Laballery
Description : 16,5 × 23 cm, 160 pages, couverture illustrée en couleurs
Collection : Diasporales
Notes : Traduit de l’arménien par Houri Varjabédian
Autres auteurs : Houri VARJABEDIAN [traducteur] -
Sujets : Roman -- Communautés
ISBN : 9782863643693
Bibliothèques : Catalogué à la Bibliothèque Nationale de France
Prix : 18,00 euros
Achat possible sur : Amazon

Commentaire :


« Mon père, qui avait dans sa librairie un imposant rayon théâtre, n’a jamais pris au sérieux mon désir de devenir comédien. Il assistait à toutes les représentations de notre troupe de théâtre mais il n’a jamais prononcé un mot d’encouragement ni même fait un commentaire. En revanche, il ne ratait pas l’occasion de ranger les acteurs au rang des clochards. Son jugement était définitif : « Il paraît qu’il va aller à Hollywood ! De toute façon, tout ce qui l’intéresse celui-là, c’est fumer, boire et courir les filles ! »
Mon père n’aurait jamais pu imaginer qu’un jour nous allions déménager à Hollywood et, père et fils, allions vivre sous le même toit. Entre-temps, la guerre du Liban, le temps qui passe et Hollywood s’étaient tous ligués pour mener une conspiration contre mes rêves d’acteur. Jusqu’au jour où, mes 30 ans passés, un beau matin, j’avais reconnu dans la glace, assagi et docile, l’enseignant dans une école arménienne le jour, et le comédien amateur la nuit.
Ma sœur Maral a été la première personne de notre famille à s’installer à Los Angeles. Un an avant le début de la guerre civile libanaise, un jeune homme de Los Angeles prénommé Armen est venu nous rendre visite un soir, accompagné des Varjabédian, nos voisins du troisième. En un mois, il a passé la bague au doigt de ma sœur et l’a emmenée en Californie. Quelques années plus tard, chargé d’une grosse valise bleu marine sentant la naphtaline, et de quatre sacs, je débarque à l’aéroport de Los Angeles, je rejoins Armen. Les trois premiers boutons de sa chemise défaits, une chaîne en or autour du cou, un rubis au doigt, une tonne de bagues, Armen très fier, m’a fait monter dans sa nouvelle Lincoln noire rutilante. En compagnie des chansons de Paul Baghdadlian, il m’a saoulé tout le long du chemin avec l’Amérique pays des merveilles, et puis… si vraiment je voulais faire du fric, ici personne ne m’en empêcherait. »


Livre numéro 2098
Houri VARJABEDIAN --- Cliquer pour agrandir Mémorial du 24 avril
Titre : Mémorial du 24 avril / auteur(s) : TEOTIG - Traduit de l'arménien par Alice Der Vartanian et Houri Varjabédian
Editeur : Parenthèses
Année : 2015
Imprimeur/Fabricant :
Description : 16,5 x 23 cm, 160 pages, couverture illustrée en couleurs
Collection : Diasporales
Notes : Index, carte
Autres auteurs : Houri VARJABEDIAN [traducteur] -
Sujets : Génocide arménien -- Biographies
ISBN : 9782863643006
Bibliothèques : Consultable à la Bibliothèque de la Cathédrale apostolique arménienne, Paris
Catalogué à la Bibliothèque Nationale de France
Prix : 23,00 euros
Achat possible sur : Amazon

Commentaire :

Quatre ans après la nuit tragique de la rafle du 24 avril 1915 à Istanbul, marquant le début du génocide des Arméniens par la Turquie ottomane, un groupe d'intellectuels survivants se donne la mission de commémorer solennellement le souvenir des disparus. Il est alors demandé à Téotig, écrivain et éditeur réputé pour la qualité de ses biographies lui-même rescapé d'années de déportation, de préparer une publication à l'occasion de la première Commémoration de cette date fatidique, en 1919, au lendemain de l'armistice.
Le «Mémorial du 24 avril» se compose de deux parties, l'une purement biographique (intellectuels de la capitale Istanbul déportés et éliminés — écrivains, poètes, enseignants, avocats, députés —, médecins, soldats, artisans, ecclésiastiques de province), par région et ville. Une seconde partie comprend deux témoignages de rescapés, concernant les deux centres principaux où l'élite a été déportée puis exécutée :
«Vers Ayache» de Puzant Bozadjian, décrit les arrestations et la déportation au fin fond de l'Anatolie; «Souvenirs de Tchanguere» de Mikael Chamdandjian, s'attache particulièrement aux derniers jours de deux poètes emblématiques disparus, Daniel Varoujan et Roupen Sevag.
Un siècle plus tard, cet irremplaçable Mémorial garde sa valeur de symbole. Il s'agit ici du document de référence sur la rafle et l'exécution de 761 personnalités, prémisse de l'élimination de tout un peuple.

Livre numéro 1889
Houri VARJABEDIAN --- Cliquer pour agrandir Arrêt sur images
Titre : Arrêt sur images / auteur(s) : Ara GÜLER - Nouvelles traduites de l’arménien par Alice Der Vartanian et Houri Varjabédian
Editeur : Parenthèses
Année : 2013
Imprimeur/Fabricant : Escourbiac à Graulhet
Description : 16,5 x 23 cm, 96 pages, 22 photographies en bichromie
Collection : Diasporales
Notes : Nouvelles traduites de l’arménien par Alice Der Vartanian et Houri Varjabédian
Autres auteurs : Houri VARJABEDIAN [traducteur] -
Sujets : Nouvelles - Istanbul - Turquie moderne
ISBN : 9782863642818
Bibliothèques : Consultable à la Bibliothèque de la Cathédrale apostolique arménienne, Paris
Catalogué à la Bibliothèque Nationale de France
Prix : 17,00 euros
Achat possible sur : Amazon

Commentaire :

«A mes débuts, j’ai écrit beaucoup de petites histoires, des nouvelles. Je me suis d’abord intéressé au théâtre, à la littérature et au cinéma. Je n’ai jamais imaginé que je deviendrais un jour photographe, quoique j’aie fait mes premières photos à l’âge de quinze ans. J’ai écrit avec la conviction que j’allais faire de la littérature, mais c’étaient des images qui prenaient forme sous ma plume.»
Ara Güler commence à observer le monde à travers son objectif dans les années cinquante. Ces nouvelles écrites à l’époque préfigurent le climat futur des photographies de l’artiste : quartiers des gens les plus humbles, déshérités, pêcheurs de Kumkapi...
On retrouvera ici dans sa jeunesse celui que l’on va surnommer «l’œil d’Istanbul». Le regard d’Ara Güler sur sa ville est un témoignage unique, un travail « d’historien visuel».
Fantasque et généreux, passionné et précis, le « prince du Leica » offre au lecteur de chacune de ces nouvelles un « arrêt sur images », instantanés de vie pittoresques et singuliers où la poésie affleure dans une sorte de «réalisme poétique», car dit-il, «la patrie, ce sont les souvenirs».

C’est ce recueil des nouvelles initialement publiées entre 1940 et 1960 qui est présenté ici dans sa traduction française, ponctuée des photographies emblématiques consacrées à Istanbul qui ont fait la célébrité de l’écrivain-photographe.


Livre numéro 1529
Houri VARJABEDIAN --- Cliquer pour agrandir Nos terres d’enfance
Titre : Nos terres d’enfance / auteur(s) :L’Arménie des souvenirs ; textes rassemblés et commentés par Anahide Ter Minassian et Houri Varjabédian.
Editeur : Parenthèses
Année : 2010
Imprimeur/Fabricant : Presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery à Clamecy (58)
Description : 352 pages, 16,5 x 23 cm
Collection : Diasporales
Notes : Textes inédits en français, et textes traduits de l’arménien, du russe, du turc et de l’anglais ; Bibliographies des 44 auteurs traduits (pp 331-346).
Autres auteurs : Anahide TER MINASSIAN [directeur] - Houri VARJABEDIAN [directeur] -
Sujets : Souvenirs d'enfance -- Biographie -- Recueil de textes
ISBN : 9782863641804
Bibliothèques : Consultable à la Bibliothèque de la Cathédrale apostolique arménienne, Paris
Catalogué à la Bibliothèque Nationale de France
Prix : 25,00 euros
Achat possible sur : Amazon

Commentaire :

Le parcours des « terres d’enfance » proposé dans ce livre, de la banlieue new-yorkaise à Téhéran, de Bagdad à Bakou, de Erevan à Istanbul, de Beyrouth à Trébizonde, de Paris à Mouch, gomme volontairement l’espace et le temps. Tous les acteurs de ces voyages involontaires, sous une forme ou une autre, ont écrit sur les paysages ruraux ou urbains de leur enfance, retrouvant dans des quotidiens contrastés la marque de leur appartenance multiple : une identité revisitée dont chaque signe est vécu dans le regard de l’autre.
Les textes rassemblés dans cette anthologie sont pour la plupart autobiographiques : ce sont des autofictions ou des témoignages, des documents « qui recréent la vie » et réinventent une continuité dans les bribes et les itinéraires.
Quel que soit le genre, il s’agit toujours d’un regard sur une enfance réinterprétée, entre souvenirs et rémanences. Si, comme en Occident, l’écolier a été une figure montante de la littérature, les violences et les ruptures qui ont marqué l’histoire des Arméniens au xxe siècle ont assigné à l’enfant une fonction charnière dans la transmission d’une langue et d’une histoire.

Textes de: Arthur Adamov, Avétis Aharonian, Alexandrian, Michael Arlen, Peter Balakian, Kaspar Bedeyan, Krikor Beledian, Nina Berberova, Berdjouhi, Zaven Bibérian, Helena Bonner, Carzou, Chahan Chahnour, Armen Chékoyan, Eleonore Dabaghian, Zabel Essayan, Anchèn Garodouni, Nubar Gulbenkian, Ara Güler, Arménak Hagopian, Hamasdegh, Simon Kapamadjian, Arménouhie Kévonian, Viken Klag, Violette Krikorian, Lass, Mathéos Mamourian, Meguerditch Margossian, Hrant Matevossian, Martin Melkonian, Hagop Mentsouri, Anastase Mikoyan, Chavarche Nartouni, Armen Ohanian, Sergueï Paradjanov, Nicolas Sarafian, Martiros Sarian, William Saroyan, Séda, Léon Surmélian, Vahan Totovents, Antranik Zaroukian, Hratch Zartarian.


Autre commentaire
Nouvelles d’Arménie Magazine : Comment vous est venue l'idée d'un tel projet ?
Houri Vajabédian : En marchant dans les rue d’Istanbul, il y a 5 ans, devant l'emplacement de la maison de Krikor Zohrab ou en nous rendant au carré des écrivains du cimetière arménien de Chichli, il nous est apparu essentiel à Anahide Ter Minassian et moi-même de donner la parole à des auteurs méconnus et d'établir le lien avec les écrivains d'aujourd'hui, en Arménie et en diaspora, qu'ils écrivent en arménien ou dans leur langue d'adoption. Ce premier voyage à Bolis fut déterminant. Nous avions déjà publié Les noces noires de Gulizar, nous nous sommes rendues sur la tombe de Gulizar, au cimetière de Chichli. Tous à Istanbul connaissent l'histoire de Goulo, la grand-mère d'Anahide, ils vont « la voir », lui porter des fleurs. Le projet est né là-bas, nous l'avons mené avec passion pendant cinq ans. Le thème de l'enfance s'est très vite imposé. Ces enfances dans des pays si différents, et le fil qui les relie, ces appartenances multiples, ces identités aimées, enfouies, retrouvées, ou refusées, nous les avons recherchées ensemble.
Anahide Ter Minassian : Notre premier voyage à Istanbul a en effet joué un grand rôle dans la genèse du projet. Nous avons rencontré les gens de la maison d'édition Aras et d'autres personnes encore à la recherche de leurs racines. Nous sommes retournées ensuite à Istanbul et l'idée de revivifier les textes arméniens en nous lançant dans la grande aventure de la traduction s'est imposée à nous. J'ajouterai que ce livre renvoie à un questionnement central qui n'apparait pas dans le liminaire : Qu'est-ce qu'être arménien ? Il pose le problème de l'identité et celui de la langue d'expression. Si la question de la langue est centrale dans ce livre, à côté des thèmes de l'espace, du temps et de la mémoire, c'est que nous y avons introduit, incidemment, l'idée qu'on pouvait être un écrivain arménien francophone, anglophone, etc. L'un des plus beaux textes de ce livre, d'un point de vue littéraire et stylistique, est de Krikor Beledian. Je l'ai traduit avec amour, consciente du travail remarquable de son auteur sur la langue. Pour lui, un intellectuel arménien s'exprime en arménien, m'avait-il déclaré un jour. Or, de plus en plus, la langue autrefois maternelle est remplacée par d'autres langues maternelles.
NAM : On parle en général de « terres ancestrales », de « territoires perdus », mais l'expression « terres d'enfance » est plutôt rare. Qu'évoque-t-elle pour vous ?
A. T. M. : Les « terres ancestrales » relèvent d'une thématique politique, celle du Yergir. Les terres d'enfance, c'est pour ainsi dire un tout autre domaine. Aucun des textes figurant dans l'ouvrage n'a été écrit par un enfant. C'est toujours un adulte qui se souvient d'un lieu en prenant acte de la fuite du temps. Si nostalgie il y a, il s'agit d'une nostalgie de l'éphémère, car rien ne passe plus vite que l'enfance, à condition d'y survivre bien entendu et sans que l'enfance soit nécessairement la période des meilleurs souvenirs. Ensuite, le lieu de naissance est une donne incontournable. Alfortville, c'est la terre d'enfance de tous les petits Arméniens qui y sont nés, et non pas l'Arménie ou la Turquie. Nous voulions évoquer l'enfance dans son espace géographique, quel qu'il soit, en incluant le rapport à la langue et à l'identité.
H. V. : Ces auteurs ont grandi dans des pays différents : l'enfance de Sarane Alexandrian porte les parfums de l'Irak du temps du roi Fayçal, celle de Lass, ceux de l'Iran du nord à Tabriz, de Séda, ceux du Parc Montsouris à Paris. Ces terres nous façonnent, nous les portons en nous ensuite. L'expression de l'artiste Sarkis, que j'aime beaucoup : « ma mémoire est ma patrie» m'accompagne toujours. Dans ce recueil, on voit vivre le pays perdu, les jeux des enfants, l'école, la nature, les villes... mais aussi une Arménie emportée avec soi ailleurs, des ailleurs passionnants ! Il s'agit également de l'Arménie d'aujourd'hui, de ses écrivains qui créent, de la littérature qui vit. Ces terres d'enfance dessinent un peu la géographie des Arméniens dispersés que nous sommes.
NAM : Vous ne relevez pas l'importance historiographique prise récemment par l'enfant témoin d'un génocide. Pourquoi ?
A. T. M. : Notre projet n'était pas de publier un livre de plus sur le génocide arménien. Non pas qu'il ne faille pas écrire sur le sujet. En ce qui me concerne, depuis 1966, de retour de mon premier voyage en Arménie, je m'y suis lancée en publiant dans Esprit un premier article sur La question arménienne. Mais, on a parfois le sentiment aujourd'hui que les gens n'existent que par rapport à cet évènement, qui, certes, eut des conséquences tragiques, mais ne dura que 4 ans. Il ne peut donc pas occulter le fait qu'il y a eu « avant » et « après » 1915 une histoire et une culture arméniennes. Néanmoins, ces textes comportent souvent des références au génocide. Dans son témoignage, Le Kordon, Kaspar Bedoyan, raconte comment dans la région du Daron, âgé d'une dizaine d'années, il assiste à une scène épouvantable où de jeunes enfants sont étouffés vivants. Le texte de Nartouni, Quitter Armache, expose les préparatifs au « grand voyage » et le départ de la caravane de déportation, comment lui et sa famille, les enfants, les femmes et les vieillards, furent chassés de leurs maisons et village en aout 1915. De même, le texte terrifiant de Hagopian, La prière de l'Immortelle, publié en 1953 et 2003 dans Haratch, raconte ce qui se passe l'été 1915 dans la région du lac de Van. Enfin, Antranik Zaroukian décrit l'enfer de l'orphelinat à Alep... Il n'y a donc pas moyen d'échapper à la question du génocide, même si l'on choisit une approche « de biais » via la littérature. Qui plus est, sans en avoir formulé le projet explicite, nous avons également mis le doigt sur l'autre catastrophe du XXe siècle, le stalinisme, en proposant un texte sur 1937, avec la photo de couverture du livre.
H. V. : La plupart des parutions récentes concernent les souvenirs d'enfants rescapés, soit directs, soit recueillis ou réinterprétés par les descendants des survivants du génocide. Nous voulions voir les enfants vivant, jouant, se baignant dans les rivières, sages comme Nicolas Sarafian regardant les étoiles sur les genoux de sa mère, ou turbulents comme Garo Sassouni, enjoués et malicieux comme Armen Ohanian et ses sœurs. Nous ne les avons que trop vu souffrir sur les routes de la déportation. L'enfant témoin d'un génocide est là bien sûr, comme MK, dans les souvenirs de Zaroukian, Garodouni ou encore Nartouni qui a fondé l'Association des orphelins adultes, plus tard. La responsabilité de la transmission revenait à des enfants qui « n'avaient pas eu d'enfance ».
NAM : L'ordre de présentation des textes n'est ni chronologique ni alphabétique, ni par zone géographique ni par langue d'expression. Il ne tourne pas non plus autour de la césure de 1915. Quel est-il donc ?
A.T. M. : Nous n'avions pas la prétention de publier un Lagarde et Michard ! L'ordre dans lequel se succèdent » les textes est le fait de l'éditeur. L'établissement de la liste des textes résulte à la fois du hasard de nos découvertes et de concessions mutuelles. La présence de certains auteurs est parfois un signe. Ainsi, lorsqu'Alexandrian dépeint son enfance orientale à Bagdad, c'est une façon d'évoquer une ancienne communauté arménienne qui a aujourd'hui pratiquement totalement disparu de la région, comme la plupart des chrétiens d'Orient.
H. V. : Ni chronologique ni alphabétique, bien sûr. Le monde de nos auteurs ne pouvait se réduire à une classification, nous tenions à un voyage, un parcours dans les temps, dans des souvenirs de langue parlée, perdue, dans les réminiscences des personnages de parents, de grand-mères, de paysages, d'atmosphères, de tendresse. La césure de 1915, sa violence inouïe est tout entière dans La prière de l'Immortelle d'Arménak Hagopian.
NAM : Peter Balakian ouvre la série des textes littéraires, Avétis Aharonian la clôt. Pourquoi ?
H. V: America, America ! Comment ne pas ouvrir sur le pays mythique de tous les émigrants, avec Peter Balakian, enfant américain typique qui, comme beaucoup, va découvrir son histoire, lui qui vit dans un quartier juif et qui ne comprend pas pourquoi il ne fait pas le shabbat comme ses copains. Le parcours de ces enfances se termine évidemment au « Yergir », près du majestueux mont Ararat, avec Avétis Aharonian qui le regarde depuis le jardin de sa maison d' enfance.
A. T. M. Je commencerais par la fin ! Pourquoi Avétis Aharonian ? Mais c'est un très beau texte et, pour mémoire, l'auteur est signataire du traité de Sèvres. Sa place d'ailleurs est en Arménie, pas au Père Lachaise ! Le texte de Peter Balakian est plutôt savoureux, n'est-ce pas ? J'ai pourtant un immense regret. Il manque un texte capital dans ce recueil : David de Sassoun. Je pense en particulier à cette scène grandiose où David, l'enfant ignare, mais l'enfant divin, est envoyé garder les moutons et revient, le soir, à la tête d'un troupeau où se trouvent pêlemêle bêtes sauvages et bétail domestique. A la grande terreur des paysans, l'enfant ne fait pas la différence entre le cru et le cuit, la nature et la culture ! Les éditions Gallimard ne nous ont pas donné à temps le droit de republier cet extrait. Mais si je peux me permettre de donner un conseil aux lecteurs : lisez aussi David de Sassoun ! Vous y trouverez les pages d'une enfance exemplaire.
NAM : Quelle place occupe Vahé Ochagan, dont une citation en arménien met le point final au livre ?
A. T. M. : Cette idée m'est très chère. J'ai connu Vahé Ochagan dans mon adolescence. C'est à son contact que j'ai découvert la littérature arménienne, et notamment Mathéos Mamourian, figure intellectuelle de Smyrne, dont un extrait édifiant de ses Souvenirs figure dans le livre. Après avoir récité, les 24 avril ou les 28 mai, à la Mairie du Vème, Hagop Ochagan, Siamanto, Derian, j'ai récité, plus tard, ce poème de Vahé Ochagan qui conclut le livre. Il avait donc toute sa place ici. Et l'intellectuel et l'écrivain qu'il était n'a jamais mis de côté ses convictions politiques de Dachnagtsagan.
H. V. : Nous n'imaginions pas publier un tel recueil, sans que des caractères arméniens apparaissent, là, dans ces vers de Vahé Ochagan. Ils figurent, non traduits, en contrepoint de l'incipit d'Iskandar Habache, poète du Liban, une de nos terres d'enfance.
NAM : Question coup de cœur ! Quel est votre texte préféré ?
A. T. M. : Je tiens beaucoup au texte de Simon Kapamadjian. Non pas pour sa qualité littéraire, mais parce qu'il est un pastiche du célèbre livre de Bruno, Le Tour de France par deux enfants (1877).
Quel étonnement de découvrir que ce linguiste, qui n'est jamais sorti d'Istanbul et qui a laissé à la postérité un dictionnaire, décida, à la faveur de la Révolution jeune-turque de 1909, de faire le récit imaginaire du voyage d'un gamin prénommé Kamer, depuis la mer Noire jusqu'à l'Institut Saint-Joseph à Beyrouth ! Il lui fait traverser toute l'Arménie turque orientale. Le propos de l'auteur n'est pas de libérer des territoires, mais de développer économiquement et culturellement la région. Publié en 1911, ce livre n'a fait l'objet d'aucune réédition en Turquie. Quant au texte de Hagop Mentsouri, découvert à Bolis, ce sont les souvenirs d'un enfant, rescapé du génocide, qui se rappelle dans une langue très colorée un pays perdu, englouti, où l'on parlait trente dialectes arméniens.
H. V. : Je crois que nous les aimons tous, pour des raisons différentes, bien sûr. Je suis heureuse de voir Lass figurer dans ce livre ; Louisa Aslanian, est pour la première fois traduite en français, elle a été résistante, morte à Ravensbruck, son destin est bouleversant. C'est un livre de coups de cœur jusque dans le choix de la photo de couverture, une image du film « 1937 » de Nora Martirosyan, un très beau documentaire, dont un extrait est transcrit dans le livre.
NAM : Que signifie pour vous, Anahide Ter Minassian, historienne, le fait de vous tourner vers la littérature ?
A.T. M. : On ne peut écrire l'histoire de l'Arménie aux XIXe et XXe siècles sans l'aide de la littérature. Dans les archives des puissances occidentales, on peut étudier l'histoire du génocide vue par les Occidentaux. Ces archives diplomatiques ne nous apprennent rien sur la vie des Arméniens. Mais la littérature nous renseigne sur leur quotidien - une vie embellie ou non, toujours réinterprétée ; elle à joué un rôle immense dans l'histoire politique des Arméniens. Raffi a littéralement construit le programme politique des révolutionnaires arméniens. Les lectures de Marx, Engels et Robespierre n'en sont pas à l'origine.
NAM : Houri Varjabédian, quel fut votre cheminement personnel jusqu'à ce livre ? Aimeriez-vous continuer à traduire ?
H. V. : Ma famille est originaire de Beyrouth, j'ai vécu à Casablanca : mes terres d'enfance parlent arabe et français, l'arménien était ma seule langue jusqu'à l'âge de 6 ans. Je vis à Marseille, ville « qui appartient à qui vient du large » comme l'a écrit Blaise Cendrars. Je collabore depuis des années à la collection Diasporales au sein de laquelle nous tenons à faire découvrir la littérature arménienne des auteurs classiques. Toutefois nous cherchons de plus en plus à mettre l'accent sur le travail d'auteurs contemporains. Ce projet de longue haleine qui donne aujourd'hui Terres d'enfance rétablit le lien rompu avec les auteurs des pays arméniens. De nombreux textes sont inédits et un important travail de recherche m'a conduite avec Anahide à assurer certaines traductions de l'arménien. Pour nous qui vivons avec le français et l'arménien en nous, qui éprouvons des moments intenses de lecture, aussi bien avec Jean Echenoz qu'avec Krikor Beledian, je peux répondre oui, j'aimerais continuer à traduire, c'est un rôle de passeur aussi, un peu comme pour l'édition.
NAM : Quel est votre prochain projet ensemble ?
A. T. M. : J'aimerais continuer à traduire. Et retourner en Arménie turque. Aller au pays. Au Yergir. Même s'il est devenu aujourd'hui le Yergir des Kurdes. J'espère réaliser ce projet. Retourner là-bas.
H. V. :Retourner à Van et à Mouch. Plusieurs projets de livres sont déjà en place.

Propos recueillis par Isabelle Kortian, Nouvelles d’Arménie magazine, numéro 169, Décembre 2010


Extraits

« Mais, avec un rai de lune, plus d’une fois j’avais la vision furtive d’une femme du voisinage ôtant sa robe derrière un drap blanc formant écran, silhouette noire aux seins brusquement dressés quand elle levait les bras, premier émoi de la sensualité enfantine. » Alexandrian
«J’ai passé les premières années de ma vie, entouré d’un peuple de servantes : ma gouvernante arménienne, ma “demoiselle” française, ma nourrice Macha, dont un œil était vert, l’autre bleu, ma sœur enfin que je range parmi les servantes, sans doute parce que ma mère me préférait à elle. » Arthur Adamov
«C’est en jouant au base-ball, un jour à la mi-mars, où la neige avait fondu sur le trottoir cimenté de Dickerson Road, que j’éprouvai le sentiment nouveau de n’être pas comme les autres. » Peter Balakian
« Mes grands-pères portaient le fez à la turque. Mes grand-mères se signaient à la pleine lune. Et je me souviens pour eux. Je me souviens d’existences évanouies qui parfois me visitent. » Martin Melkonian
«Debout à côté du bureau qui m’arrivait sous le menton, je touchais avec précaution les revues médicales, les coupures de journaux, les crayons, les plumes, les enveloppes aux timbres étrangers, la glace à main sertie d’argent. Mon grand-père aimait l’avoir à portée de main ainsi qu’un flacon de parfum raffiné dont il aspergeait de temps en temps sa barbe blanche, droite et soyeuse. Au contact de mes joues, cette barbe me paraissait bien différente de celle, gris vert, bouclée et rigide, de mon grand-père Ivan Dmitrievitch. » Nina Berberova
«Fin novembre 1988. Le téléphone sonne. La sonnerie est longue, c’est l’interurbain. Erevan. Rien d’étrange. À cette époque, je parlais avec Erevan le matin, le jour, la nuit. À Kirovabad, des femmes et des enfants étaient enfermés dans une église. Sur mon bureau, le télégramme d’un prêtre : un appel au secours. » Elena Bonner
« Quand elle entendait son fils Aram parler des affaires qu’il traitait, elle recueillait ses paroles et les semait autour d’elle, et elle aimait particulièrement le son des syllabes alicante. Elles s’harmonisaient bien avec l’arménien, ou du moins avec sa version de l’arménien, qui était unique et regorgeait de toutes sortes d’inexactitudes et d’inventions. » William Saroyan


Liste des textes, par ordre alphabétique des auteurs (différent de la table des matières)

ALEXANDRIAN, Une enfance à Bagdad, Texte original en français, Mercure de France, 1990
Arthur ADAMOV, La première enfance, Texte original en français, Gallimard, 1968
Avétis AHARONIAN, Mon premier maître, Traduit de l’arménien par Houri Varjabédian
Michael ARLEN, Je me souviens d’un jour, traduit de l'arménien par Daniel Blanchard
Peter BALAKIAN, Pourquoi ne sommes-nous pas Juifs ?, Traduit de l’anglais par Simone Chambon
Kaspar BEDEYAN, Le Koddon, Traduit de l’arménien par Kéram Kévonian
Krikor BELEDIAN, Antika, traduit de l'arménien par Anahide Ter Minassian
Nina BERBEROVA, Le nid et la fourmilière , Traduit du russe par Anne et René Misslin
BERDJOUHI, Après la tempête, Traduit de l’arménien par Anahide Ter Minassian
Zaven BIBÉRIAN, Un fils à papa, Traduit de l’arménien par Anahide Ter Minassian
Helena BONNER, L’Hôtel Lux à Moscou, Traduit du russe par Sophie Benech
CARZOU, Place Bab Alfaraj
Chahan CHAHNOUR, Un cœur qui rayonne, Traduit de l’arménien par Houri Varjabédian
Armen CHÉKOYAN, Moi, je joue du piano, Traduit de l’arménien par Anahide Ter Minassian
Eléonore DABAGHIAN, La soirée Pouchkine, Traduit du russe par Alice Vartanian
Zabel ESSAYAN, Excursion à Alemlaghi, Traduit de l’arménien par Pierre Ter-Sarkissian
Anchèn GARODOUNI, Tribunal et fuite, Traduit de l’arménien par Naïri Rumin-Arzoumanian
Nubar GULBENKIAN, L’adieu au Bosphore, traduit de l'anglais par Michel Deutsch
Ara GULER, L’histoire de mon père, traduit de l'arménien par Anahide Drézian
Arménak HAGOPIAN, La prière de l’immortelle, Traduit de l’arménien par Anahide Ter Minassian
HAMASDEGH, La perle bleue, Traduit de l’arménien par Nazélie Malkhassian-Fortune
Simon KAPAMADJIAN, Kamèr, le petit voyageur en Orient, Traduit de l’arménien par Anahide Ter Minassian
Arménouhie KÉVONIAN, Le village de Goulo, Traduit de l’arménien par Jacques Mouradian
Viken KLAG, Le chasseur, Traduit de l’arménien par Papken Sassouni
Violette KRIKORIAN, Une rue de Téhéran, Traduit de l’arménien par Houri Varjabédian
LASS, Le tapis d’Orient, Traduit de l’arménien par Alice Der Vartanian
Mathéos MAMOURIAN, Souvenirs d’enfance à Smyrne, Traduit de l’arménien par Anahide Ter Minassian
Meguerditch MARGOSSIAN, Le Tigre, notre fleuve, Traduit de l’arménien par Houri Varjabédian
Hrant MATÉVOSSIAN, Le seau de framboises, Traduit de l’arménien par Pierre Ter-Sarkissian
Martin MELKONIAN, Canal Saint-Martin, Texte original en français, Parenthèses, 2006
Hagop MENTSOURI, Nous les enfants , Traduit de l’arménien par Houri Varjabédian
Anastase MIKOYAN, Là où commence une vie..., Traduit du russe par Mireille Lukosevicius
Chavarche NARTOUNI, Quitter Armache, Traduit de l’arménien par Mireille Besnilian
Armen OHANIAN, La danseuse de Shamakha, Texte original en français, Grasset, 1918
Sergueï PARADJANOV, Les dahlias blancs, Traduit du russe par Eléonore Der Merguérian
Nicolas SARAFIAN, Enfance et lumière, Traduit de l’arménien par Anahide Drézian
Martiros SARIAN, Une enfance en pleine nature, Traduit du russe par Michel Rygalov
William SAROYAN, Le bain, traduit de de l'américain par Charles Janssens
SÉDA, L’enfance de la mère de Tadeusz H., Texte original en français, Payot, 1991
Léon SURMÉLIAN, La maison désertée, Traduit de l’anglais par Hovig Ter Minassian
Vahan TOTOVENTS, Marane, la jument, Traduit de l’arménien par Marie Kalpakian
Antranik ZAROUKIAN, Hôpital , Traduit de l’arménien par Sarkis Boghossian
Hratch ZARTARIAN, Grand-mère et petit-fils, Traduit de l’arménien par Anahide Ter Minassian


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