Ont participé à ce numéro :
Olivier Abel, Roger Akl, Uri Avnery, Edmond Y. Azadian, Ani Basar, Christophe Chiclet, Alain Chouet, Jean Dorian, Frédéric Encel, Robert Fisk, Eve Gani, P. Gazzano, Jean Géronimo, François-Bernard Huyghe, Evre Kaynak, Nikos Lygeros, Claude Mutafian, Marianne Ranke-Cormier, Harut Sassounian, Henry Siegman, Yves Ternon.
L'article du philosophe Olivier Abel " La mémoire blessée" analyse le génocide d'un point de vue très intéressant et suscitera, nous en sommes sûr, un débat vif.
Comme toujours vous trouverez aussi les rubriques habituelles sur l'Europe, l'Asie mineure, le Caucase et le Moyen Orient
Sommaire
Karagöz et Hacivat, par Varoujan Sirapian
La Grèce dans la tourmente , par Christophe Chiclet
Pour en finir avec Berlusconi, par Ranke-Cormier
Katyn, le souvenir de la désinformation, par François-Bernard Huyghe
Le traitement du dossier turc dans les medias, par Jean Dorian
Turquie-Europe, par Claude Mutafian
Commentaires sur un éditorial, par Jean Dorian
L’Islam et le nationalisme en Turquie, par Varoujan Sirapian
Turkish Diplomacy’s Gordian Knots, par Edmond Y. Azadian
Le combat des femmes turques, par Evre Kaynak
Sur la convention de Montreux, par N. Lygeros
Les Etats-Unis assumeront-ils la reconnaissance du génocide arménien ? par Ani Basar
Sur la cause arménienne, par Nikos Lygeros
“Auschwitz is the Der-Zor of the Jews” , par Serge Sargsyan
Continue Denying the Armenian Genocide, par Harut Sassounian
Sur la coopération de la diaspora , par Nikos Lygeros
La théorie des marchés en tant qu’extension de la théorie des jeux (I), par P. Gazzano* et N. Lygeros
Sur l’espace et le temps en stratégie, par N. Lygeros
Afghanistan, le désert des Tartares ? , par Alain Chouet
Coup de tabac sur les relations Ankara-Jérusalem, par Frédéric Encel
Imposer la paix au Moyen Orient , par Henry Siegman
Le déclin du sentiment d’attachement des juifs américains par rapport à Israël : et après ? par Eve Gani
Sur les jeux à information incomplète, par Nikos Lygeros
Au nom du sionisme, par Uri Avnery
Kirghizstan : entre révolution et incertitude, par Jean Géronimo
Sur le courage des Arméniens, par N. Lygeros
La « mère » des génocides, par Roger Akl
Sur le génocide des Arméniens et les fondations de la Turquie, par N. Lygeros
Témoignages devant le Tribunal des Peuples, par Papken Injarabian
Yves Ternon devant le Tribunal des Peuples
World Focus: Armenia, par Robert Fisk
Sur les génocides et la comparaison absurde, par N. Lygeros
Démolition du Patrimoine Culturel Arménien par la Turquie
La Mémoire Blessée, par Olivier Abel
Témoignage....J'aurais dû être mort à l'âge de 9, 10 ou 11 ans, mais Dieu m'a gardé. Je vais vous raconter brièvement mon histoire. Je suis né en 1906 à Amassia, au sud de la Mer Noire. Ma famille était Arménienne, nous étions cinq enfants, trois garçons et deux filles. J'étais le plus jeune et le plus gâté. ,.allais à récole, je savais lire et écrire l'arménien et j'apprenais même le turc. Mes deux sœurs m'enseignaient le français. Mon père espérait que je devienne un grand homme. Mon frère aîné faisait son service dans l'armée turque. Lorsque la guerre fut déclarée, on mobilisa tous les arméniens de 18 à 50 ans environ. C'est ainsi que mon deuxième frère de 19 ans partit sans retour. Quelques semaines après, les Turcs ont raflé tous les Arméniens qu'ils voyaient dans la rue, ils les ont emmenés en prison sous prétexte qu'ils avaient caché des armes. Tous ces hommes ont disparu un peu plus tard ; le reste des Arméniens reçut l'ordre de quitter la ville... C'était le 23 Juin 1915, et le début de notre exode...
J'ai quitté Amassia avec mon père malade, ma mère et mes deux sœurs. Mes parents avaient pris avec eux ce qu'ils pouvaient; ils avaient les larmes aux yeux en traversant leur
ville natale. Notre caravane prit donc son chemin de croix. Plus nous avancions, et plus l’odeur de la mort augmentait, car d'autres caravanes nous avaient précédés. L'exode est trop pénible à raconter très peu comme moi ont survécu. Sous une chaleur de 30 à 40 degrés, les déportés affamés, assoiffés, dépouillés et épuisés par la marche, tombaient par milliers._ Je pourrais raconter ces images du génocide pendant des heures. Au cours de notre exode, une de mes sœurs fut enlevée par des Turcs, mon père assassiné. Au bout de trois mois de marche, je n'oublierai jamais ce Kurde qui nous sépara de la caravane, loin de tout, et sous la menace de son couteau, il nous dépouilla ma mère et moi et partit avec ma sœur qu'on n'a jamais revue. Ma mère est morte huit jours après, de maladie et de chagrin, et j'ouvris mes yeux d'orphelin chez un Kurde. Il habitait dans une grotte ; je gardais ses chèvres les pieds nus, la tête nue et mal nourri : j'étais misérable... J'ai accepté de devenir musulman sans comprendre ce que c'était ; tout ce que je savais, c'est qu'on n'allait plus me couper la tête. Je suis resté plus de quatre ans avec les Kurdes, et je parlais couramment leur langue. Lorsque j'ai entendu dire qu'un orphelinat était ouvert à Ourla pour recueillir les enfants rescapés, j'ai voulu m'évader. J'ai été rattrapé par mon maître qui m'a menacé de son fusil et dit: «toi chien infidèle, tu ne vaux même pas deux cartouches, la prochaine fois je rabattrai avec une seule cartouche». Mais le Seigneur m'a aidé, et j'ai pu m'échapper et rejoindre l'orphelinat, J'étais sauvé comme des milliers d'enfants arméniens.
Papken INJARABIANTribunal permanent des peuples, Paris, le 14 Avril 1984