Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Communautés arméniennes
en Rhône-Alpes

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Carte de la Region Rhone-Alpes

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07 - Ardèche
26 - Drôme
38 - Isère
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69 - Rhône

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26 - Drôme

    L'Eldorado arménien de la Drôme, par Krikor Amirzayan
    Article paru dans les "Nouvelles d'Arménie Magazine, N° 23 Mai 1997,
    mise à jour par l'auteur, pour l'ACAM, en date du 23 mars 2000.

    La Drôme serait-elle pour les Arméniens, un département synonyme de réussite ? Cet eldorado arménien de la Vallée du Rhône recense deux réussites internationales, le styliste de mode Alain Manoukian et le chausseur Stéphane Kélian, tous deux originaires de Romans. Sans oublier Jacques Markarian, P.D.G. de Markal, leader européen du boughlour. Dans cette France profonde, le dynamisme des communautés arméniennes peut s'avérer être un modèle d'intégration. Une réussite socio-économique qui ne néglige pas les valeurs culturelles arméniennes. Krikor Amirzayan, journaliste et caricaturiste (auteur de Yerkidzamard Erévan 1995), a dressé pour les Nouvelles d'Arménie Magazine, un tableau historique, social et communautaire de ces Arméniens de la Drôme.

  • Romans : la force de l'union

    Photos K. A.

    Romans, la capitale française de la chaussure, patrie de Stéphane Kélian (les frères Kéloghlanian) et du célèbre styliste et homme d'affaires, Alain Manoukian, est une petite ville paisible de près de 30 000 habitants dont 800 Arméniens, en lisière de l'Isère.
    A moins d'une vingtaine de kilomètres de Valence l'"arménienne", Romans pouvait souffrir d'écrasement. Et si, selon les théories universelles, Romans aurait dû être "absorbé" par l'intense vie communautaire de Valence, la réalité nous prouve dans ce cas précis, qu'il y a parfois des exceptions à la règle. Car Romans a su habilement développer une vie communautaire propre...attirant même parfois, la communauté arménienne de Valence, dans ses actions.

    Les premiers Arméniens s'installèrent à Romans dès 1924. Il fallut cependant attendre le milieu des années trente, pour que les immigrants se restructurent afin de former une communauté. Ainsi, la première organisation arménienne vit le jour en 1936 autour d'une école accueillant quelques dizaines d'élèves. En 1965, la célébration du Cinquantenaire du Génocide de 1915 allait donner à la jeunesse arménienne de Romans, un nouvel élan, aboutissant à la création de l'Amicale des Arméniens de Romans-Bourg-de-Péage. Avec pour premier président Gabriel Der Baghdassarian qui passera le relais en 1977 à Serge Karagozian. En 1981, lorsque Azad Chétanian arrive à la présidence, le projet de la construction d'un siège, appelé "maison Sévan" sur un terrain de 3 500 mètres carrés, sur les bords de l'Isère, était largement avancé. Financé par de généreux mécènes - la région ne compte-t-elle pas Alain Manoukian et Stéphane Kélian ?- la maison Sévan est inaugurée en octobre 1988.
    Un très harmonieux ensemble, imaginé par l'architecte Jacques Képénékian, rappelant par ses formes, les style arménien. Avec cette réalisation, la vie communautaire des Arméniens allait prendre un nouvel essor, la maison Sévan devenant le centre des activités de la région, avec le célèbre Tachdahantés de juin, réunissant près d'un millier de personnes, ainsi que diverses rencontres culturelles avec des invités d'Arménie ou de la diaspora.
    L'école, regroupant chaque mercredi une quarantaine d'enfants est aussi le pôle d'activités de l'Amicale. Une école à laquelle Mlle Nora Békmézian donna ces dernières années un regain d'activité, avant de transmettre la direction à Tamar Gharibian. L'Amicale, dont la présidence est assurée depuis 1995 par Aram Nazarian, qui succéda à Azad Chétanian, disparu prématurément en 1996, est la seule association arménienne de Romans.

    Et c'est sans doute l'une des raisons de son dynamisme et sa réelle efficacité dans un esprit d'union, de cohésion autour des valeurs arméniennes. Union qui se manifesta lors du soutien du Fonds "Hayastan", la communauté arménienne de Romans apportant une aide record (toutes proportions gardées). Grâce aux efforts de Mgr Norvan Zakarian, l'église catholique Saint Nicolas a été mise à la disposition des Arméniens de Romans, en avril 1989, pour une durée de trente ans renouvelable. Une église dont la gestion relève de la gestion relève de l'Amicale, et le service, d'abord assuré par le Père Zadig Avédikian, fut transmis au Père Narég Vartanian. Comment aborder Romans sans évoquer l'actif journaliste et "amicaliste" Jacques Tchékémian. Tout comme les frères Tashdjian, acteurs nés, qui excellent dans les représentations d'Hagop Baronian ou de Shakspeare. Comment oublier le chef d'orchestre Alexandre Siranossian et sa fille Chouchane la virtuose? Comment oublier, enfin, le sculpteur Toros (Raskélénian), auteur de nombreuses statues sur le thème du Génocide arménien ? L'efficacité est, en matière arménienne, d'abord dans l'union. Et les quelque 800 Arméniens de Romans semblent, sous cet angle, défier Valence et ses quelque 7 500 Arméniens...ainsi que ses 28 associations rebelles...

    Krikor Amirzayan (d'après article paru dans "Nouvelles d'Arménie Magazine" numéro 23, mai 1997, mise à jour par Krikor Amirzayan, l'auteur de l'article)

  • Valence, la ville arménienne

    Photos K. A.

    L'arrivée des Arméniens
    Valence, cette ancienne ville romaine, à 100km au sud de Lyon, sent déjà le Midi. Valence, dont près de 7 500 de ses 80 000 habitants sont d'origine arménienne. Soit près de 10% de sa population, l'un des taux les plus forts de densité arménienne de l'Hexagone. Valence, au milieu de ce couloir rhodanien, véritable épine dorsale des Arméniens. Des Arméniens qui longeaient le Rhône à leur arrivée à Marseille, en direction du Nord, avec Avignon, Montélimar, Valence, Vienne, Lyon et ses îlots arméniens. Marseille, à 200 km au sud de Valence, était ce port des naufragés de l'Histoire, en ce début des années vingt. Des centaines d'Arméniens, jeunes et volontaires, débarquaient sur les quais de la Joliette, en attente de travail, synonyme de dignité et d'intégration. Une main-d'oeuvre tant prisée dans cette France d'après guerre où des millions d'hommes manquaient à l'appel de l'armistice.

    L'amitié franco-arménienne...
    Ces chrétiens orientaux, dont on ignorait tout ou presque de leur culture, n'avaient qu'une seule et bonne réputation: celle d'être des vaillants travailleurs. Une réputation qui ne devait pas rester sans échos dans les oreilles des industriels de l'époque, grands consommateurs de main-d'oeuvre bon marché.
    La communauté arménienne de Valence, se fonda sur la conjugaison de ces différents facteurs, lorsqu'en 1922, un groupe de patrons valentinois, "descendit" à Marseille pour ramener à Valence près de 150 Arméniens destinés à servir dans les usines-fonderies et autres soieries de la région. Pris en charge conjointement par la mairie et le groupe de patrons, ces ouvriers arméniens sont logés au centre de la ville, principalement autour des rues Bouffier et Balthazar Baro, à 15-20 personnes dans la même chambre. Ces rescapés du génocide portaient, sur leur visage, l'horreur du drame arménien de 1915, et n'avaient qu'un seul et unique désir: vivre et fonder un foyer.
    Si de nos jours, l'amitié franco-arménienne est largement évoquée comme élément d'intégration réussie des Arméniens, on ne peut pas dire que l'arrivée et l'intégration des Arméniens à Valence, ait donné l'occasion à des liesses en l'honneur de la fraternité humaine. Bien au contraire ! L'accueil des Arméniens par la population locale fut froid. Et même glacial. Car si les intellectuels français connaissaient l'ampleur du drame arménien et quelque part la culture du premier peuple chrétien, l'ensemble du peuple français ignorait tout ou presque des Arméniens. Certains les apparentaient aux Juifs ou Tsiganes. D'autres aux...Turcs ! Mais rien d'étrange à cette assimilation: les premiers Arméniens de Valence parlaient pour la plupart, la langue officielle de l'Empire ottoman, ces émigrés étant pour une partie importante originaire de Malatia, Kharpert et Boursa.

    Le dynamisme de la communauté
    Quatre ans après leur installation, en 1926, le nombre des Arméniens établis à Valence était de 1 260 sur une population de 28 500 âmes. Une communauté étoffée par la venue de familles des premiers arrivants. Des immigrés de fraîche date qui consolidaient leur réputation de travailleurs acharnés, créant la jalousie de certains habitants, et la considération de beaucoup d'autres Valentinois. Ouvriers peu qualifiés pour leur écrasante majorité, artisans, les Arméniens de Valence grimpaient néanmoins les échelons de la promotion sociale, sans toutefois nouer de réels liens avec la population locale. La barrière de la langue, et les gestes de protection d'une communauté marquée par le génocide, n'étaient pas des facteurs favorisant la communication.
    De l'autre côté, dans cette ville où la bourgeoisie commerçante et industrielle était fortement implantée, les Arméniens ne pouvaient représenter, aux yeux de la population, pas plus que des "agents économiques bon marché". Repliés sur leur communauté, les Arméniens allaient créer dès le milieu des années vingt, un club de football, l'Association sportive Arménienne, puis l'Union Nationale, qui se chargeait de gérer toutes les affaires sociales, juridiques et autres, liées aux Arméniens. Suivant les premières associations, les trois partis politiques arméniens traditionnels, la FRA, les Ramgavars et les Hentchaks, allaient très vite fonder leurs sections valentinoises. Redynamisant l'activité politique de la communauté. Un dynamisme quelque peu éclatant, donnant de temps à autres à des partis, des pugilats entre factions politiques rivales...

    La fin du rêve de retour aux terres arméniennes
    Des partis qui ravivaient la nostalgie du pays perdu, donnant néanmoins, l'espoir d'un retour aux terres. Mais lorsqu'en 1931, un jeune Arménien épousait une Française de souche, une fracture déchirait cet idéal... Cette "terre promise" était offerte en 1947 aux quelque 200 candidats au retour dans la patrie soviétique. Mais l'échec de cette vague allait une nouvelle fois plonger la communauté arménienne dans le désarroi. Le retour tant espéré n'était pas pour l'heure...Et dès le début des années cinquante, le nombre de mariages mixtes allait se multiplier pour atteindre vingt ans plus tard, en 1970, près de 50% des unions. Cette période d'intégration-assimilation est aussi marquée par les premiers signes tangibles d'une certaine réussite économique. Valence compte de très nombreux commerçants et artisans arméniens (chaussures, textile, bijouterie principalement) ainsi que quelques industriels. Au nombre de ces derniers, les établissements Dziranian & Djéranian emploieront dans les années 1970 jusqu'à 400 salariés dont près de la moitié Arméniens.

    L'intégration et dynamisme des associations
    L'intégration est là. Mais aussi l'assimilation...qui se manifeste par la perte progressive de la langue. Aussi, l'arrivée d'une vague de nouveaux immigrés arméniens, principalement de Syrie, dans les années 1960-1970 allait quelque peu revitaliser la communauté arménienne de Valence. Suivie de la vague des Arméniens ayant fait la guerre du Liban, après 1976. Aujourd'hui la communauté, forte de plus de 7 500 membres, a su malgré les ravages de l'assimilation d'une partie de ses membres, garder l'image d'une communauté dynamique, regroupée autour de ses institutions culturelles, religieuses et associatives.
    L'église de St Sahag, véritable centre névralgique de la communauté, abrite au 12 rue de la Cécile, une magnifique cathédrale catholique, aménagée en église arménienne. Le maître des lieux, le Père Antranig Maldjian a également la charge de l'école, se trouvant à deux pas de là, dans l'enceinte du Centre Communautaire.
    L'Eglise Evangélique Arménienne (rue Roger Salengro), dispense également des cours d'arménien à une quarantaine d'élèves, prise en charge par le pasteur Jacques Tchoghandjian et une équipe d'enseignants bénévoles. Tout comme à la Maison de la Culture Arménienne (rue Pompéry) où la Croix Bleue Arménienne, ouvre chaque mercredi, ses portes à une cinquantaine d'élèves. La MCA est aussi le siège de la section Homénetmen (football) ainsi que la radio arménienne "Radio A" qui diffuse sur 97,8 FM. C'est également ici que se trouve le siège de la FRA locale et du Nor Séround.
    Dans le paysage culturel arménien de Valence, notons aussi la présence de l'église des frères Maranatha (rue du Paradis), dirigée par le Pasteur Serge Maghakian, ainsi qu'une paroisse catholique arménienne. Dans cette ville où "les Arméniens se sentent chez eux" selon bon nombre de Valentinois, pas moins de 28 associations arméniennes viennent confirmer la mosaïque de pensées et d'un certain dynamisme de la vie communautaire, en laissant toutefois le doute quant à l'efficacité et la cohésion de la communauté face à cette profusion d'associations. Et le proverbe arménien disant que "deux Arméniens réunis, formeront à eux deux, pas moins de trois associations" est à Valence une semi-réalité !
    Des trois partis traditionnels de la diaspora arménienne, deux sont représentés aujourd'hui à Valence, la FRA et le parti Ramgavar-Azadagan. Autour du premier, installé au sein de la MCA, se greffent des "organisations soeurs" telles que la Croix Bleue ou le Homénetmen. Ce dernier disposant d'un club de football jouant en "district" ainsi que d'une section de scouts. Tandis que, proches du parti Ramgavar, gravitent l'UGAB et sa section "Jeunes", avec une équipe de basket et une troupe de danse.

    Associations nouvelles
    Phénomène des dernières années, face à l'essoufflement apparent des activités communautaires -effet de fatigue post-séisme et indépendance, ou encore début d'assimilation ?- Valence enregistre la naissance d'associations indépendantes de toute tendance politique. Au nombre de ces dernières nées, citons Spiurk-Arménie (humanitaire), Terres d'Arménie (humanitaire-Artsakh) et Arménia (culturelle). Des associations qui recueillent souvent des éléments dynamiques de la communauté qui tendent à redynamiser la vie associative quelque peu terne et boudée par un nombre croissant de jeunes arméniens.
    Ces associations nouvelles sont par ailleurs montrées du doigt par les anciennes, qui vivent le partage et une perte sensible de leur auditoire. De boycotts en complots larvés et attaques diverses, les nouvelles associations accumulent sur elles, l'ensemble des maux de la communauté. Accusées de faire le surnombre dans un paysage associatif déjà fortement saturé...Seul point de ralliement de ces associations arméniennes: la stèle du génocide, chaque 24 avril, et les quelques timides tentatives d'union autour des dates nationales comme le 21 Septembre (indépendance de l'Arménie) ou le 24 avril.
    Seule association qui ne souffre pas de cette discrimination inter-associative, l'ASOAV (Association Sportive d'Origine Arménienne de Valence), le club arménien de football, qui évolue en Deuxième division nationale. Formée de professionnels, l'ASOAV qui accéda voici quelques années à la Seconde division du Championnat de France de football, avec son joueur arménien vedette, Hamlet Makhitarian -aujourd'hui disparu- est une équipe dont les dirigeants sont en majorité des Arméniens.
    Comme son président actuel Jacques Markarian, qui remplaça en début de la saison 1999-2000 l'ex-président Arthur Artinian. Valence où évoluèrent le défenseur Michel Terzian et le gardien Vincent Yazmadjian et aujourd'hui Eric Assadourian. Eric Assadourian qui disputa plusieurs rencontres au sein de la sélection d'Arménie. Avec l'Ararat en logo, l'ASOAV est le seul club du championnat de France professionnel à origine "étrangère" !

    "Que serait Valence sans ses Arméniens ?" se demandait dernièrement un poète local, Michel Ageron, grand ami des Arméniens. Une question dont la réponse nous est connue !

    Krikor Amirzayan (d'après article paru dans "Nouvelles d'Arménie Magazine" numéro 23, mai 1997, mise à jour par Krikor Amirzayan, l'auteur de l'article)

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69 - Rhône

    LES ARMENIENS DE LYON , par Krikor Amirzayan
    texte mis à jour par l'auteur, pour l'ACAM, en date du 27 mars 2000.

    La communauté arménienne de la région de Lyon est après Paris et Marseille, la troisième en importance numérique avec près de 40 000 membres. Une communauté dont le dynamisme et la vitalité la placèrent souvent au rang de leader de la vie arménienne de France. A l'exemple des activités du CDCA (Comité de Défense de la Cause Arménienne) dans les années soixante-dix et quatre-vingt. A l'exemple aussi du mensuel "France-Arménie", dont le tirage record (21 500 exemplaires) au début des années quatre-vingt rayonnaient la vitalité de l'activité arménienne de Lyon, sur tout l'Hexagone.
    Journaliste et caricaturiste auprès d'une cinquantaine de titres de la presse arménienne tant d'Arménie que de la diaspora, Krikor Amirzayan, auteur de deux ouvrages de caricatures ("Yerkoidzamard" - Erévan 1995 et "Oh! Arménie, Arménie... " - Erévan 1999) dresse pour nous un dossier édifiant et éminemment intéressant, sur ces Arméniens de Lyon.

  • Les premiers Arméniens établis à Lyon
    L'antique Lugdunum, Lyon, capitale des Gaules est aujourd'hui avec ses quelque trente à quarante mille Arméniens, la troisième communauté arménienne de France par son importance numérique. L'un des premiers Arméniens de la cité gallo-romaine, dressée entre la Saône et le Rhône, fut selon certaines sources, saint Irénée (135-208), natif d'Asie Mineure, victime des persécutions des chrétiens par les troupes romaines. Lugdunum fut, on le sait, le berceau de la propagation du christianisme à travers toute la Gaule. De nombreuses sources littéraires et historiques font état, durant les siècles suivants, de marchands Arméniens, installés ou de passage à Lyon. Ce mouvement allait s'amplifier par la promulgation en 1669 par Colbert d'un édit favorisant l'installation des négociants Arméniens à Marseille. Placée sur l'axe Marseille-Paris, Lyon allait très vite attirer de nombreux Arméniens qui établissaient des relations commerciales entre la ville et l'Arménie ou la Cilicie.

    Lyon étant la capitale de la vallée rhodanienne, spécialisée dans la soie et les étoffes, était un débouché et un marché idéal pour les professionnels arméniens du textile, ainsi qu'un lieu d'approvisionnement pour les riches familles arméniennes, attirées par les belles étoffes. Les archives de la ville, recensant les premiers Arméniens, font état de quelques marchands Arméniens, installés à Lyon à la fin du XIXe siècle. Il s'agit tout d'abord d'un Arménien venu de Constantinople en 1877, Raphaël Aram Der-Zakarian, qui fit fortune dans les soieries et le commerce des tissus. Suivi en 1894 par un certain Stépan Garabédoghlou, venu à Lyon écouler la production familiale de soie provenant du "Yerguir" (pays). Un troisième Arménien, Sarkis Altounian, vint également s'établir dans la ville, pour finalement rentrer au pays en 1911. Ces quelques commerçants et artisans Arméniens, aidés par un petit nombre d'étudiants Arméniens établis à Lyon, fondent en ce fin du XIXe siècle, une petite association patriotique du nom de "Massis".

  • La naissance de la communauté arménienne de Lyon
    Cependant, jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, les seules communautés arméniennes de France étaient établies à Paris et Marseille, soit près de 4 000 Arméniens au total. Lyon, avec ses quelques dizaines d'Arméniens, ne formant pas une réelle communauté. Il fallut attendre le début des années 1920, et l'afflux de milliers de rescapés du Génocide "échouant" à Marseille, pour que Lyon, située dans cette Vallée du Rhône, véritable couloir de transit, puisse bénéficier de l'installation d'un nombre important d'Arméniens. La région lyonnaise ayant dans cette période d'après-guerre, un besoin immense de main-d'oeuvre immigrée, peu qualifiée et bon marché, dans ses soieries, tanneries et usines.

    Les Arméniens, qui connaissaient déjà la production de la soie au "yérguir" (pays en arménien), formèrent très vite cette population ouvrière idéale. Des travailleurs réputés infatigables, dociles et sans une réelle revendication sociale. Un véritable trésor pour le patronat de l'époque...

  • Les premières structures communautaires
    La communauté arménienne de Lyon devait très vite s'organiser autour de ses institutions. Ainsi, en 1918, Stépan Garabédoghlou fondait l'Union Nationale Arménienne, signe de la naissance d'une activité communautaire organisée et structurée autour d'une institution. La ville qui comptait déjà en 1924 près de 500 Arméniens, avait six ans plus tard, en 1931, une communauté arménienne de près de 7 000 membres. Salles de réunion et lieux de culte allaient rapidement s'édifier. Les partis politiques dit "traditionnels" de la diaspora s'activaient autour des idéaux propres à chaque organisation, prônant pour les uns un retour vers le fameux "yérguir", et pour les autres, appelant à une franche et constructive collaboration avec l'Arménie soviétique, jugée comme une patrie renaissante.

    Parmi les partis politiques arméniens, la FRA Dashnaktsoutioun semblait se tailler "la part du lion", avec de nombreuses sections ou cellules telles qu'Ardziv, Gaïdzag, Tejokhk, Kéri, Knouni ou Gougounian, plaçant Lyon au rang de place forte du parti Dashnaktsoutioun en France, avant la Seconde Guerre mondiale. Un parti qui écrasait ainsi sous son poids, les organisations arméniennes patriotiques ou compatriotiques, philanthropiques (à l'exemple de l'UGAB), sportives et culturelles.

  • L'aide du président Français Edouard Herriot
    La crise de 1929 frappera de plein fouet les Arméniens. Un bon nombre d'ouvriers dans les usines automobiles, tanneries et soieries de la région, se retrouvent à la rue. Sans statut et sans protection sociale. L'Union Nationale Arménienne - dont le président d'honneur n'est autre que le Lyonnais Edouard Herriot, Président de la République - mènera une vaste campagne d'aide aux Arméniens les plus démunis.

  • Inauguration de la Maison de la Culture Arménienne
    En 1932, dans la banlieue arménienne de Lyon, à Décines, était inaugurée la Maison de la Culture Arménienne "Archag Djamalian", dans la rue du 24 Avril 1915. Aujourd'hui encore, cette bâtisse reste l'un des centres les plus actifs de la région lyonnaise, sous la conduite de sa directrice de talent, Mme Hilda Tchoboïan. Et même si ces dernières années, un déclin sensible des activités arméniennes est ressenti à Lyon comme partout en France, la Maison de la Culture Arménienne de Décines reste l'un des phares du combat arménien pour la culture et la revendication politique.

  • La communauté se structure
    La communauté arménienne de Lyon avait également centré ses efforts sur l'éducation et la langue, avec dès 1937, l'enseignement de cours réguliers d'arménien, donnés par les sections lyonnaises de l'UGAB et du Hamaskaïne. Mais, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, toutes les associations arméniennes sont dissoutes par un décret gouvernemental, à l'exception d'une seule: l'Union Nationale Arménienne, reconnue par les autorités locales pour son caractère religieux et communautaire. Une association au sein de laquelle allaient s'illustrer de nombreuses personnalités comme Krikor Saradjian, Napoléon Bullukian et Djibraïl Bahadourian, appelé "le patriarche", et grande figure marquante de la communauté Lyonnaise, fondateur aussi en 1929 de la célèbre "maison Bahadourian", spécialisée dans le négoce de produits orientaux.

    La vie religieuse des Arméniens - apostoliques, évangéliques et catholiques - se déroulait dans la période d'entre deux-guerres, dans diverses salles aménagées en lieux de culte. En 1954, le président Edouard Herriot posait la première pierre de l'église arménienne Saint-Jacques (Sourp Hagop). Eglise consacrée en 1963 par Mgr Sérovpé Manoukian, prélat du Catholicossat arménien pour l'Europe. Dressée rue d'Arménie, sous la conduite de Mgr Norvan Zakarian, cette église allait progressivement réunir autour d'elle, dès 1980, la majeure partie de la vie associative culturelle, éducative et communautaire de Lyon et de ses environs. Avec une école quotidienne arménienne, mise en place en 1982. Un établissement qui allait quelques années plus tard se transformer en l'Ecole Markarian-Papazian que nous connaissons aujourd'hui. Un "espace Garbis Manoukian" abritant bibliothèque, salle de spectacle et de réunion, complètent la structure de ce foyer culturel et religieux qu'est devenu le complexe de l'Eglise arménienne Saint-Jacques de Lyon.

  • Le CDCA, puissant à Lyon, organise la revendication politique
    La vie politique arménienne de Lyon, devait également connaître à la fin des années 1970 et début 1980, son "âge d'or". En réaction au rejet du fameux "paragraphe 30" par la sous-commission de l'ONU chargée des crimes contre l'humanité, l'oubli du génocide arménien dans le rapport officiel, devait provoquer la grande colère des Arméniens de France. En 1973 à Lyon, sous la conduite du puissant CDCA (Comité de Défense de la Cause Arménienne), un groupe de militants de la FRA Dachnaktsoutioun (Jules Mardirossian, Mihran Amtablian, Kévork Képénékian, Vahé Muradian, Robert Aydabirian, Maral Assadourian, Hilda Tchoboïan...) établis au siège de la MCA de Décines, lançaient une grande campagne de sensibilisation au sujet de ce fameux "paragraphe 30", exigeant l'inscription du génocide arménien dans ce rapport de l'ONU. Un vaste mouvement qui devait aboutir, des années plus tard, avec l'appui des organisations politiques de la diaspora, à la reconnaissance et la condamnation par le Parlement Européen, du Génocide Arménien, en juin 1987. Avec son organe de presse, "France-Arménie", le CDCA, profitant des années fastes en revendications (ASALA, Justiciers du Génocide arménien) avait su habilement politiser la question arménienne, tout en mobilisant la communauté arménienne de Rhône-Alpes, avec sa capitale, Lyon.

    Un mouvement aujourd'hui essoufflé avec l'avènement politique de l'Indépendance de l'Arménie et la naissance de structures communautaires nationales comme le "Comité du 24 Avril".

  • La communauté arménienne d'aujourd'hui
    Aujourd'hui, les trois partis politiques arméniens dits "traditionnels" de la diaspora (FRA, ADL-Ramgavar et Hentachks), ainsi que leurs organisations "soeurs", disposent encore à Lyon d'une certaine force au sein de la communauté arménienne. Avec néanmoins une baisse progressive de leurs poids respectifs auprès de cette communauté moins politisée, et peut-être un peu plus intégrée à la société française... Quelque peu dépassées par la rapidité des événements survenus en Arménie depuis 1987, souvent incapables - sous le poids de leurs structures rigides - de réagir, les organisations arméniennes semblaient parfois dépassées par les événements. Et la rapidité du monde arménien, en mutation accélérée tant en Arménie qu'en France. L'érosion de leurs rangs, favorisera la formation de quelques nouvelles structures associatives, pour la plupart à caractère humanitaire. Un développement qui fit suite au séisme arménien de décembre 1988 et à l'indépendance de l'Arménie en septembre 1991. Aujourd'hui Lyon est jumelée avec Erévan depuis mai 1992, le maire de l'époque, Michel Noir se rendant dans la capitale arménienne afin d'officialiser ce jumelage. Lyon, la seconde ville de France et sa proche banlieue, à l'exemple de l'ex-ministre de la Défense et maire de Villeurbanne, Charles Hernu, proche des Arméniens, avaient su donner au début des années "socialistes" (1981), un élan favorable à l'établissement de multiples relations avec l'Arménie.

  • L'émergence de nouveaux cadres d'origine arménienne, dans la vie publique française
    Aujourd'hui, la région Rhône-Alpes compte plus d'une quarantaine d'élus d'origine arménienne, dont deux adjoints au maire (Varoujan Krikorian à Villeurbanne et Noubar Kéchichian à Valence). L'émergence politique de la communauté arménienne avec cette participation aux affaires publiques, d'élus de cette troisième et quatrième génération d'Arméniens nés en France est l'acte d'intégration réussie. Villeurbanne est jumelée avec Apovian, Vienne avec Goris, Décines avec Stépanavan. Et Valence, à 100 km au sud de Lyon, est jumelée avec Itchévan. Des relations privilégiées avec l'Arménie qui traduisent la parfaite intégration des Arméniens à la vie publique locale. Lyon, la capitale française de la gastronomie dispose également de nombreux restaurants arméniens (Vart'Anouche, Le Chiche, Karnig, Freedom...) qui sont autant d'ambassades de la culture culinaire arménienne.

    Succédant à Vahé Muradian à la tête de l'association Lyon-Erévan (APECLE), Arthur Derderian, carrure de rugbyman, ne ménage pas ses efforts afin d'oeuvrer au rapprochement de la coopération et du développement des relations économiques et culturelles entre Lyon et Erévan. "Radio Arménie" créée en 1984 à Décines et "France-Arménie", organe du CDCA, lancé en 1982, sont deux des principaux médias de l'agglomération lyonnaise. Des outils d'informations fort utiles pour la communauté, même si leur ligne politique, très proche de la FRA - dont elles émanent indirectement - placent parfois les informations dans l'arbitraire.

    Lyon dispose également d'une Chaire d'arménologie à l'Université catholique, financée en partie par la Fondation Napoléon Bullukian, sise à Champagne au Mont-d'Or, dans la banlieue Lyonnaise. Une fondation gérée depuis de nombreuses années par le célèbre professeur Pierre Marion, selon les voeux mêmes de son principal financier, l'homme d'affaires Napoléon Bullukian. Une Fondation Bullukian qui attribue également des fonds à quelques activités arméniennes de France.

  • Quel avenir pour les Arméniens de Lyon ?
    Mais Lyon n'échappe pas à la règle, et depuis quelques années déjà, un net ralentissement des activités communautaires est remarquée. Effet du séisme qui a demandé tant d'efforts à la communauté. Effet de l'Indépendance de l'Arménie et d'absence de revendications politiques ? Ou tout simplement, début d'assimilation ? Nul ne peut aujourd'hui analyser réellement les causes de ce phénomène perceptible. Même si un Lyonnais d'origine arménienne nous déclare "quelle que soit la situation des Arméniens en ce XXIe siècle, il restera toujours, même dans cinquante ans, des gens qui se réclameront de cette origine arménienne qui est en nous à vie !". L'avenir en sera le meilleur juge....Rendez-vous dans cinquante ans !

    Krikor Amirzayan

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