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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Takuhi TOVMASYAN

L'auteur

Takuhi TOVMASYAN --- Cliquer pour agrandir
Éditrice, Takuhi Tovmasyan est née un lundi de Pâques, à Istanbul, dans le quartier de Yédikulé, à l’ombre des remparts antiques. D’une jeunesse stambouliote entourée de parents, d’amis et de voisins, elle garde les fortes sensations de « la ville » immortalisée par le photographe Ara Guler.
Elle est parmi les fondateurs, en 1993, de la maison d’édition Aras, projet mené par l’écrivain Meguerditch Margossian et un groupe d’intellectuels. Elle consacre toute sa passion et sa générosité pour ouvrir une « fenêtre » sur la littérature et la culture arméniennes, notamment en langue turque.
En tant qu’auteur, c’est dans cette volonté de transmission qu’elle prend la plume, pour mêler cuisine et histoire familiale.

Photo : Berge Arabian

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Livre numéro 1802
Takuhi TOVMASYAN --- Cliquer pour agrandir Mémoires culinaires du Bosphore
Titre : Mémoires culinaires du Bosphore / auteur(s) : Takuhi TOVMASYAN - Traduit du turc par Haldun Bayri
Editeur : Parenthèses
Année : 2012
Imprimeur/Fabricant : impr. Escourbiac
Description : 16,5 x 23 cm, 144 pages, nombreuses illustrations en bichromie
Collection : Diasporales
Notes : Titre original : "Sofraniz Sen Olsun, ninelerimin mutfagindan damagimda, aklimda kalanlar", Edition Aras
Autres auteurs :
Sujets : Cuisine de Thrace orientale, Istanbul
ISBN : 9782863642702
Bibliothèques : Catalogué à la Bibliothèque Nationale de France
Prix : 22,00 euros
Achat possible sur : Amazon

Commentaire :

Croisant recettes de cuisine et souvenirs familiaux, cette promenade gourmande nous mène des régions de Thrace orientale aux rives du Bosphore, à Istanbul. Mezzés, grandes tablées, « repas de pauvre », ou délicates bouchées dignes des palais se retrouvent dans des plats simples ou très élaborés. Riches de diverses influences gastronomiques, ces recettes composent le tableau d’un amour pour la table et le partage. Des voix résonnent qui nous font partager les souvenirs de ces êtres authentiques, moments heureux, fêtes chaleureuses, exils et douleurs. Depuis les bords de mer aux eaux claires et poissonneuses, Takuhi Tovmasyan nous dévoile sa maison en bois d’enfance puis l’atelier de son père au Bazar des bijoutiers. Par le charme infini des « feuilles de vigne » et autres plats mythiques, on découvrira les portraits et les photographies des artisans de cette transmission culinaire, notamment deux grand-mères lumineuses à qui le livre est dédié. Empreint d’émotion et de pudeur, ce monde de saveurs est une mémoire vivante.

Les recettes sont des mahana (prétextes) comme diraient nos grands-mères. Takuhi Tovmasyan avait surtout envie de nous transmettre ses mémoires : des souvenirs de famille, le quotidien d'une famille arménienne de classe populaire mais aussi le quotidien des voisins grecs, turcs, avec pour toile de fond le quartier de la citadelle de Yedikoulé à Istanbul et les pêcheurs des rives du Bosphore. Elle nous accueille tantôt à table dans leur maison en bois pour nous faire partager les joies, les déceptions ou les petits conflits de famille, tantôt dans une ferme à Tchorlou sur les rives de la Thrace, tantôt sur les rives du Bosphore en nous insufflant l'air de la mer. Dans un style où s'entremêlent humour et nostalgie l'auteure décrit les moments de partage et de convivialité toujours présents à leur table à l'occasion des circonstances plus ou moins heureuses. Elle compare cette époque avec les temps actuels où "l'abondance est là mais sans la prospérité."
Elle nous parle d'une époque où les prêtres donnaient des secrets de cuisine aux ménagères autour des tables d'amour et de vie (en arménien siroséghan), où le poisson était si bon marché qu'il était considéré comme la nourriture du pauvre, où les pères de famille ne savaient pas acheter au kilo mais en grande quantité car "on ne pouvait pas manger seul, il y avait toujours du monde à la table. Peu importe s'il y en avait trop, on distribuait à la porte de l'église."
Chacune des recettes du livre dévoile un pan de la vie de la famille Tovmasyan. Une famille où tout le monde met la main à la pâte sans distinction d'âge ou de sexe : petits, grands, pères, mères, tantes, oncles, mais les deux figures principales à qui elle dédie d'ailleurs son livre sont Yaya Akabi (grand-mère maternelle) et Yaya Takouhi (grand-mère paternelle).
Les recettes se faufilent habilement dans la description des préparatifs des fêtes religieuses, des fêtes de prénoms, des journées de lessive, des fiançailles, des deuils... En les préparant en deux temps trois mouvements, Takuhi nous emmène dans ses souvenirs sans même que l'on s'aperçoive de ces allées et venues. Ainsi, en lisant la recette du plâki (haricots blancs à l'huile d'olive), on apprend la relation plus qu'amicale du grand-père Ghazaros Efendi, célèbre tavernier du quartier` de Yédikoulé, avec la voisine grecque Ersinya qui préparait mieux que quiconque le plâki.
Le fricassé d'agneau est l'occasion de nous dévoiler que son grand-père maternel, Armache, dont le savoir-faire est renommé dans la préparation de ce plat, avait été \ miraculeusement mis au monde par le berger du village.
Elle seule a le secret de nous parler des cheveux ondulés et des yeux profonds du poète Roupen Sévag assassiné en 1915 en décrivant la recette des aubergines frites ou encore de mentionner l'écrivain régional Hagop Mentsouri en donnant la recette de la rate farcie. La tourte à la volaille est l'occasion pour l'auteure de livrer la tragédie subie par la famille lors du Génocide.
Ainsi, au fil des recettes, vous découvrez entre les lignes l'histoire des Arméniens sous la république turque comme la loi sur les prénoms, l'impôt sur la fortune ...
La recette du hélva que l'auteure fait revenir pour le repos de l'âme des êtres chers disparus est l'occasion de les faire défiler et de leur rendre hommage. A chaque mois ses défunts : les grands-mères du quartier et du village, oncles, tantes, les grands-oncles, les grands-tantes, les tantes des tantes, amis, les amis des amis, voisins, hommes d'Eglise dont Gomidas, les patriarches Khatchadourian et Kaloustian... Et puis, vient cette révélation du secret familial qui lui tient tant à cœur à propos de l'oncle Mardig, pour lequel elle vous supplie d'avoir une pensée car « pour un mortel, n'avoir personne pour le commémorer, c'est pire que la mort » disait Bédros Tovmasyan, le père de Takuhi.
Vous l'aurez compris cet ouvrage ne contient pas que des recettes classiques. A une époque où le fil de la transmission est devenu si fragile pour le peuple arménien, Takuhi Tovmassian rétablit cette transmission identitaire à sa manière en apportant son savoir-faire. Un livre qu'il faut avoir sous la main en cette période des fêtes de fin d'année pour préparer l'anouch abour, les moules farcies ou le topik. Elle propose même de venir donner un coup de main pour vous aider dans cette besogne puisque pour elle cuisiner c'est comme jouer.
Paru aux Editions Aras en 2004 ce livre a connu un vif succès en Turquie et il a été réédité à plusieurs reprises. Grâce aux Editions Parenthèses nous avons enfin le plaisir de l'avoir en français dans une traduction très réussie qui donne autant de saveur à la lecture que la version originale.
Vilma Kouyoumdjian, France-Arménie, numéro 392, Décembre 2012


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