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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Suzanne MAERKY-RICHARD
( 1854 - 1928 )

L'auteur

 
Naissance en 1854, décès en octobre 1928
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Livre numéro 1724
Suzanne MAERKY-RICHARD --- Cliquer pour agrandir Maïrig : Marie Zenger
 
Titre : Maïrig : Marie Zenger / auteur(s) : Suzanne MAERKY-RICHARD - Seize ans chez les orphelins arméniens à Sivas
Editeur : Librairie JH Jeheber
Année : 1915
Imprimeur/Fabricant : Société générale d'imprimerie, Genève
Description : 16 x 24 cm, 50 pages, portrait, et 15 photographies
Collection : Arménie
Notes :
Autres auteurs :
Sujets : Génocide arménien -- Secours aux orphelins -- Marie Zenger (Naissance le 25 juillet 1867, décès le 23 mars 1915.)
ISBN :
Bibliothèques : Consultable à la Bibliothèque de la Cathédrale apostolique arménienne, Paris
Prix :

Commentaire :

Adaptation française de la brochure de M. Stucky à Berne, par Mesdames MAERKY et MULLER
"Se vend au profit de l'Orphelinat de Sivas"

Préface

Maïrig ! Petite mère !
Ce mot arménien si doux, si tendre est bien celui qui convient à Marie Zenger. Petite mère, elle l'a été en soignant les enfants à l'hôpital de Genève, mais surtout depuis le jour où elle a franchi le seuil de l'orphelinat de Sivas, où elle s'est trouvée en présence de ces troupes d'enfants farouches, craintifs, dont beaucoup refusaient de répondre ou même de regarder en face les deux mères qui arrivaient de Suisse, pleines de pitié et d'amour, mais sans pouvoir se faire comprendre.
Pour sa tâche maternelle, Marie Zenger avait non seulement les grandes qualités essentielles d'intelligence et de piété, mais les traits charmants de son caractère lui furent d'un grand secours. Enjouée, très gaie même, voyant volontiers le côté plaisant ou humoristique des choses, elle aimait à rire et à voir rire autour d'elle. Elle jouissait profondément de la nature et de tout ce que la vie offre de beau aux yeux de ceux qui savent voir et comprendre. L'enthousiasme juvénile que lui inspirait tout ce qui est noble lui attirait le cœur des jeunes ; tout alliage douteux, toute bassesse morale la froissaient profondément, elle montrait aux enfants un idéal très haut et très pur, elle leur apprenait à aimer ce qui est beau dans tous les domaines, et dans sa conception de la vie le sentiment esthétique était l'allié de la conscience et de la piété. Tel fut le secret de son autorité sur le petit peuple qu'elle eut à diriger et du prestige qu'elle posséda sur les meilleurs d'entre les enfants lorsqu'ils furent devenus grands.
C'était dans la prière qu'elle puisait sa force et sa joie et c'est là qu'elle conduisait les enfants avec elle. Que d'heures elle a passées
en prière, soit avec de petits groupes, soit avec un seul ; une élite parmi nos orphelins a gardé de ces heures une impression ineffaçable.
Un trait caractéristique de l'orphelinat était le rôle que le chant y jouait. Marie Zenger associait la musique à tout, par la musique elle manifestait ses sentiments et en môme temps la musique leur donnait une force nouvelle. Pour les enfants, pour leurs instituteurs et institutrices, chanter avait cessé d'être une étude ou un effort, c'était une joie constante et à Sivas on aimait cette phalange de voix harmonieuses et cette maison où l'on chantait toujours. Elle avait à un haut degré le sens pédagogique sans formule et sans pédanterie et c'était merveille de voir avec quel art elle combinait ses programmes et avec quel tact elle savait, pour ces enfants parmi lesquels étaient représentés tous les degrés de capacité intellectuelle, proportionner aux facultés de chacun la dose d'instruction qu'il était capable de s'assimiler, depuis celui qui devait en rester aux travaux manuels avec un minimum de savoir, jusqu'aux futurs instituteurs.
Bien des problèmes délicats se posaient dans l'éducation des orphelins. Devenus grands ils devaient quitter l'orphelinat, rentrer dans leurs familles au village ou à la ville et là ils trouvaient une atmosphère morale et intellectuelle et religieuse si différente de celle où ils avaient grandi ! Très vite un grand nombre d'entre eux, jeunes gens ou jeunes filles se mariaient, fondaient une famille. Les notions acquises à l'orphelinat les sépareraient-elles de leur entourage naturel? ou bien seraient-elles peu à peu effacées et l'ancien élève de l'orphelinat perdrait-il le bénéfice du développement reçu? Les deux alternatives étaient également fâcheuses et nous savons que dans le plus grand nombre des cas elles ne se produisirent ni l'une ni l'autre.
Il était de toutes manières important de maintenir le contact entre les orphelins lancés dans la vie et l'orphelinat. Marie Zenger et Mlle Stucky avec elle étaient très préoccupées de l'idée de rester un centre, un point de ralliement. Que de fois elle m'a entretenu de l'idée de créer à Sivas un home pour les anciens orphelins qui s'y trouvaient fréquemment de passage et c'était aussi une de ses
joies de partir pour une longue randonnée à travers le pays et d'aller grouper dans chaque village ceux qui lui avaient appartenu comme enfants. Ils la recevaient avec amour, l'initiaient à leur vie nouvelle souvent difficile et se réconfortaient à sa parole et à sa chaude affection.
Elle était profondément attachée au peuple arménien. Elle comprenait les souffrances de ce peuple qui a l'insigne malheur de ne pas posséder ce que nous appelons une patrie, et pourtant si profondément attaché à sa race, à ses coutumes, à son pays. Elle poussait souvent de gros soupirs en constatant que l'âpreté de la lutte pour l'existence, l'incertitude de l'avenir et la préoccupation matérielle du présent absorbaient les pensées de beaucoup. Elle constatait en même temps le merveilleux épanouissement qui se faisait dans ces natures simples quand elles étaient mises en présence d'un idéal plus haut; elle aurait voulu que chez tous la patrie céleste remplaçât la patrie terrestre qui leur était refusée. Mais c'était un rêve et il faut le dire, pareille ferveur ne se rencontre chez aucun peuple.
Au milieu de ses joies et de ses tristesses, il est un bonheur qui ne lui a jamais manqué. C'est l'affection réciproque, la confiance sans borne, l'entente parfaite sans même se consulter, qui ont régné entre elle et Mile Catherine Stucky. Depuis le jour où celle-ci, enrôlée par le Comité de secours aux Arméniens, a dit à Marie Zenger : « Kommst du mit? » et où celle-ci, sans une seconde d'hésitation, a répondu : « Oui, je vais ! » il en a été constamment de même. Elles étaient faites pour se comprendre et se compléter. Elles puisaient toutes deux leur force à la même source', la prière constante, elles guidaient les enfants dans la même voie et par les mêmes moyens. Très différentes de caractère elles ne faisaient qu'un et l'on peut penser ce que fut cette intimité pour ces deux femmes isolées si loin de la terre natale. Elles ont été toutes deux la base solide sur laquelle toute l'œuvre de Sivas a été édifiée, c'est à elles deux que regardent avec amour la plupart de ces enfants dont la destinée est devenue si tragique et qui ne sont arrivés à la maturité que pour mourir ou souffrir une agonie prolongée. C'est elles surtout qu'ils bénissent pour ce qu'elles leur ont donné. Mlle Stucky elle aussi a été une vraie Maïrig. Elles ont eu aussi d'autres collaborateurs : Mlle Linder, vaillante, courageuse et ardente, qui a dirigé pendant trois ans, à Gurun, une succursale de notre orphelinat; M. Félix Margot qui a eu pendant cinq ans la direction combinée du double orphelinat de Sivas et a exercé sur beaucoup de nos garçons une influence virile et ferme qui a porté des fruits; Mme Margot dont la bonté et le développement qu'elle a donné à la musique et au chant ont été un des attraits de l'orphelinat; Mlle Lina Zenger, maintenant Mme Eberlé, qui pendant trois ans, a par sa gaîté, son savoir faire, développé chez nos filles le goût de l'ordre, du travail, de l'activité ménagère et a fait de beaucoup d'entre elles des couturières excellentes, les préparant ainsi à leur vie de mères de famille.
Pour ceux qui ont connu et aimé cet orphelinat de Sivas où il y a eu bien des difficultés et des déceptions de tout genre, mais aussi. tant de bénédictions, Marie Zenger fut dans sa simplicité, sa grâce et sa modestie, la « Maïrig » qui amena beaucoup de ses enfants à une vie supérieure, qui leur apprit à connaître Jésus, à l'aimer et les a sûrement aidés dans le chemin de tortures qu'ils suivent maintenant.
Léopold FAVRE.


Portrait de Marie Zenger


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