Veron Dumehjian, la mère de fauteur est née à Azizya, en Turquie, en 1907. Pour nous raconter sa vie, David Kherdian a choisi de s'identifier à elle. Le lecteur voit donc avec les yeux de l'enfant, au caractère très gai, dont la tranquille insouciance sera hélas troublée par la fatalité qui frappe la nation arménienne au début de ce siècle.
1915. Effarée, Veron surprend soudain les visages graves des adultes, sa famille étant comme beaucoup d'autres déchirée : sa grand-mère, ses tantes et ses cousins peuvent rester mais Veron et ses parents doivent partir. Commence alors la déportation, un voyage long et pénible, en chariot, sous l'oeil vigilant des gardes turcs jusqu'en Syrie. Exposés aux intempéries et à la famine, ils connaissent le sort tragique de beaucoup d'Arméniens. Peu survivront, d'autant qu'à l'arrivée, le choléra fait des ravages. Veron perd ainsi ses jeunes frères, sa mère et ses oncles. Grâce à la présence de son père, elle conserve l'espoir: Mais celui-ci est emporté à son tour.
Restée seule, elle commence à travailler. Puis l'orphelinat permet d'avoir des amies de son âge et surtout de reprendre récole. Des parents éloignés remmènent à Azizya, réalisant ainsi son rêve de revoir sa grand-mère. Son bonheur est de courte durée : en 1921, les Turcs et les Grecs s'affrontent. Une bombe blesse Veron à la jambe. Après son hospitalisation, c'est de nouveau l'exode, cette fois vers la Grèce, avec sa tante et sa cousine, et de nouvelles épreuves. Mais protégée par le destin, elle échappe à la mort et à un mariage à contre-coeur.
En 1924, Veron épouse "presque par correspondance", un jeune homme arménien du Wisconsin. Melkon Kherdian lui donne 2 enfants, David et Virginia et réalise son autre grand rêve : vivre en Amérique ! Ainsi se termine ce bouleversant témoignage qui ne peut laisser insensible une âme arménienne.
Roselyne Vartouhi-Davidian, France-Arménie, numéro 97, Janvier 1991