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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Katia BOUSTANY
( 19.. - 2004 )

L'auteur

Katia BOUSTANY --- Cliquer pour agrandir
Décès le 6 janvier 2004 à Beyrouth (Liban)


Par François Crépeau (Montréal, Janvier 2004)

Katia nous a quitté. Le 6 janvier 2004, jour de l’Épiphanie, à Beyrouth, entourée de sa famille, après une longue lutte contre la maladie.

Elle était une voix forte du droit international au Québec et notre communauté académique perd trop tôt une de ses plus brillantes représentantes. Son parcours de juriste et d’universitaire est exemplaire. Rappelons-en quelques étapes.

Katia obtient un bac et une maîtrise en droit (1973) de l’Université Saint-Joseph à Beyrouth. Partie à Paris avant le début de la guerre, elle y fait un DEA de droit international public (1975) et un DEA de droit international de l’énergie (1977), à une époque où, quelques années à peine après le premier choc pétrolier et dans la foulée du « nouvel ordre économique international », la question énergétique est chaude et controversée. Elle entreprend en 1984 une thèse de doctorat d’État qu’elle soutient brillamment en 1988, obtenant les félicitations du jury. Cette thèse, faite sous la direction du professeur Philippe Manin, porte sur la guerre civile libanaise et le maintien de la paix, et une partie en est publiée aux éditions Bruylant en 1994.

Ces années d’études sont aussi des années de travail professionnel acharné dans des conditions difficiles, marquées par la guerre dans son pays et donc par l’exil. Elle est auxiliaire d’enseignement du Professeur Antoine Kheir à l’Université Saint-Joseph, entre ses deux DEA parisiens. Elle est ensuite auxiliaire d’enseignement du Professeur Alain Pellet à l’Université de Paris-Nord après son second DEA. Elle entre au cabinet Saadé & Saadé de Beyrouth et sera leur représentante en France de 1978 à 1981, puis à Chypre en 1985-1986, puis au Canada après 1992, travaillant sur des dossiers de droit commercial international. Elle est également juriste chez Total – Compagnie française des pétroles en 1981-1982, puis travaille en 1982 dans un cabinet d’avocats et une banque d’affaires d’Abu Dhabi dans les Émirats Arabes Unis, avant de passer l’année 1983 à l’Organisation internationale du travail à Genève. Elle est encore en 1986-1987 juriste chez McCarthy Tétreault, après son arrivée à Montréal, juste avant la soutenance de sa thèse et son embauche comme professeur de droit international à l’UQAM en 1988. Plus récemment, elle passa deux ans (1998-2000) à l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne (Autriche), à travailler sur l’assistance législative aux États membres, y produisant un nombre impressionnant de rapports d’expert.

À l’UQAM, elle contribue grandement à constituer une équipe d’internationalistes au Département des sciences juridiques, où elle est une des cofondatrices du Centre d’études sur le droit international et la mondialisation (CEDIM) en 1995. Elle participe à la vie du département devenant Directrice du module (vice-doyenne aux études de premier cycle) entre 1992 et 1995 : au cours de ce mandat, elle mène la « bataille des équivalences » allant plaider jusqu’en Cour d’appel du Québec. Elle anime la vie scientifique en étant, en 1996-1998, directrice du GRID – Centre de recherche en droit, science et société. Elle s’implique dans la vie des internationalistes québécois en étant présidente de la Société québécoise de droit international entre 1996 et 1998, après en avoir été vice-présidente durant six ans, et en étant membre du CA du Conseil canadien du droit international. Elle est une fidèle collaboratrice de la Revue québécoise de droit international.

Conférencière appréciée, elle est invitée à enseigner à l’Université de Louvain-la-Neuve (1979), l’Université libre de Bruxelles (1996), à l’Université de Montpellier (1997, 1998, 2000), à l’Université de Paris I (1996, 1999), à l’Université d’Auvergne (1996), à l’Université de Paris XI – Faculté Jean Monnet (2000, 2001), ainsi qu’aux cours de formation du Comité international de la Croix-Rouge, à Lyon (1995, 1998) et Spa (1996).

Elle est un pilier du concours de plaidoirie Jean-Pictet en droit international humanitaire, dont elle co-rédige le cas en 1995. Elle co-rédige aussi le cas du concours de plaidoirie Charles-Rousseau de droit international en 1999 et y encadre plusieurs équipes successives de l’UQAM, avec grand succès. Elle participe encore activement à la fondation, à l’Université de Montpellier, de la première école de droit nucléaire francophone.

Elle obtient de nombreuses subventions et publie beaucoup. Tout récemment encore, paraissait un ouvrage collectif sur le génocide dont elle co-assura la publication dans des circonstances difficiles.

Ce parcours complexe et diversifié montre l’envergure intellectuelle de Katia. Elle s’intéressait tout autant au droit international humanitaire qu’au droit nucléaire, aux fondements du droit international public qu’au droit international du travail, au droit international des affaires qu’à l’éclatement normatif issu de la mondialisation. Puits de savoir juridique, sa pensée était puissamment articulée autour d’un certain nombre d’idées claires, qu’elle savait exprimer avec finesse et assurance.

Travailleuse infatigable, elle était extrêmement exigeante à son propre endroit et ne supportait pas la médiocrité chez les autres, ce qui ne lui valut pas que des amitiés. Sévère envers ses étudiants, elle sut en conduire de nombreux à se dépasser comme ils n’auraient jamais pensé pouvoir le faire en droit international. Redoutable debater et incapable de supporter l’injustice, pour elle comme pour les autres, elle défendait ses idées avec conviction et énergie.

Elle avait été blessée du refus de la France de lui accorder la nationalité française, alors même qu’elle y avait trouvé refuge contre la guerre. Le Canada lui accorda l’accueil qu’elle espérait, mais ce fut pour elle un deuxième exil, plus éloigné encore des douceurs du climat méditerranéen.

Amie fidèle, généreuse et attentive, elle était sensible aux souffrances tues et aux exils intérieurs de ceux qu’elle appréciait. Animée d’une discrète mais profonde spiritualité, elle savait mettre les choses en perspective, prendre de la distance, et s’intéressait au devenir de la Chrétienté. Femme de goût, elle savait marquer les moments forts, offrant par exemple pain, vin et sel en signe de prospérité à venir lors d’un emménagement. Grande amatrice de musique, qu'elle écoutait à tue tête tout en travaillant, elle avait pu, à Vienne, satisfaire son goût pour l’opéra. Férue de littérature, elle put partager avec certains un goût pour la poésie.

Sa force et sa grâce, comme sa solitude et sa fragilité, nous ont marqué. Nous avons été compagnons de route et nous sommes nombreux à nous sentir diminués de sa disparition. Nous serons tout autant à perpétuer le souvenir de son énergie passionnée, de sa vive intelligence, de son engagement profond et de son amitié.

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Livre numéro 1129
Katia BOUSTANY --- Cliquer pour agrandir Genocide(s)
Titre : Genocide(s) / auteur(s) :[Colloque organisé par le Réseau Vitoria du 1er au 3 décembre 1998 à l'Institut catholique de Paris et à la Faculté Jean Monnet] ; sous la dir. de Katia Boustany et Daniel Dormoy
Editeur : Bruylant : Ed. de l université de Bruxelles
Année : 1999
Imprimeur/Fabricant :
Description : 518 p. ; 25 cm
Collection : Collection de droit international ; 42
Notes : Notes bibliographiques
Autres auteurs : Katia BOUSTANY [directeur] -
Sujets : Génocide -- Congrès
ISBN : 9782802713036
Bibliothèques : Catalogué à la Bibliothèque Nationale de France
Prix : 77,10 euros
Achat possible sur : Amazon

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