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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Daniel ARSAND
( n. 1950 )

L'auteur

Daniel ARSAND --- Cliquer pour agrandir
Naissance le 9 juillet 1950 à Avignon

Nouvelliste et romancier, responsable de la littérature aux éditions Phébus, Daniel Arsand a été libraire, éditeur et attaché de presse.
La Province des Ténèbres a reçu le prix Femina du premier roman en 1998. Son deuxième roman, En silence, a paru en septembre 2000.

Libraire, critique littéraire, éditeur, attaché de presse, Daniel Arsand a connu tous les aspects du monde littéraire. Auteur d'une étonnante biographie de la comédienne Mireille Balin (La Manufacture, 1989), il vit d'enthousiasmes et les a fait souvent partager, en conseillant à de nombreuses maisons d'édition tel texte secret d'un auteur d'envergure, tel écrivain injustement éclipsé. Elizabeth Bowen, Violet Trefusis, mais aussi William Trevor lui doivent d'être traduits ou mieux connus en France. Quiconque aime la littérature a rencontré, parfois en l'ignorant, le travail de Daniel Arsand. La NRF a accueilli des nouvelles très singulières par leur style, leur émotion. Et les éditions HB en ont publié, il y a peu, un recueil, qui révélait un univers imaginaire d'une grande poésie, d'une rare violence, tout imprégnée de chevalerie et d'onirisme : Nocturnes.
C'est aussi la nuit qui règne sur le premier roman que, à plus de quarante ans, il se décide à publier. Attendre n'est pas mauvais, quand on a l'exigence que donnent la lecture et le goût de la perfection. Et ce n'est probablement pas un hasard si cette Province des ténèbres ranime le souvenir de Marguerite Yourcenar et de Michel Tournier, dans ce qu'ils ont de commune passion pour la fougue et la noblesse des solitaires, tentés par le plaisir, habités par des ambitions mystiques qui dépassent l'humanité, aspirés par des destins qui écrasent parfois leurs forces, c'est-à-dire leur faiblesse.

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Livre numéro 1641
Daniel ARSAND --- Cliquer pour agrandir Un certain mois d'avril à Adana
Titre : Un certain mois d'avril à Adana / auteur(s) : Daniel ARSAND -
Editeur : Flammarion
Année : 2011
Imprimeur/Fabricant : 27-Mesnil-sur-l'Estrée : Impr. CPI Firmin-Didot
Description : 21 cm, 370 pages, couverture ilustrée en couleurs
Collection :
Notes :
Autres auteurs :
Sujets : Génocide arménien -- Massacres en Adana en 1909
ISBN : 9782081258655
Bibliothèques : Consultable à la Bibliothèque de la Cathédrale apostolique arménienne, Paris
Catalogué à la Bibliothèque Nationale de France
Prix : 20,00 euros
Achat possible sur : Amazon

Commentaire :

Nous sommes en avril 1909 à Adana, au sud de la Turquie. Adana, l'opulente plaine de Cilicie, ses champs de coton et ses vergers, le fleuve Seyhan, la mer Méditerranée. Qui aurait pu prévoir que des massacres ravageraient cette terre ? Que la folie saisirait le parti Union et Progrès ? Aucune union en vérité, aucun progrès. Il y a là des amis, des familles, des bergers, le poète Diran Mélikian, Atom Papazian le joaillier, Vahan le révolutionnaire. Ils assistent à la montée de la haine et de l'intolérance. Certains prient, d'autres prennent les armes et combattent. La mort frappera la plupart, l'exil sera le lot de certains. C'est toute la puissance du roman de Daniel Arsand de réinventer une ville et d'évoquer le destin d'un peuple. De donner un visage à l'Histoire.

Un Certain mois d'avril à Adana nous plonge dans l'ambiance crépusculaire qui annonce les massacres de 1909, dans la ville cilicienne. Daniel Arsand livre ici un texte sculpté, ciselé, qui entraîne au cœur d'une histoire où l'on sent monter à chaque instant, la folie qui va bientôt s'emparer des hommes. A travers le regard et les sentiments de Diran Mélikian, d'Atom Papazian, de Vahan le révolutionnaire et les habitants de la cité, on perçoit toute l'angoisse du drame qui s'annonce. La puissance de ce roman nous fait ressentir le sentiment d'isolement et d'incompréhension devant la furie généralisée qui, avec le soutien de notables et de fonctionnaires, s'inscrit d'un bloc dans la violence aveugle et le massacre. L'écriture est souple, juste. Elle fixe le présent et nous oblige à l'empathie, sans laquelle l'œuvre littéraire n'a pas beaucoup de sens. On mesure l'ambiguïté, la fourberie et l'incohérence du discours du Comité Union et Progrès, que d'étranges et rustres parvenus contrôlent à présent. Les massacres d'Adana sont le prélude, l'affreuse répétition de ce qui suivra, le Génocide de 1915. DanielArsand est écrivain et éditeur. Auteur d'une dizaine de roman, il a publié, entre autres : La Province des ténèbres, En silence, Des Amants, Ivresses du fils. Il est traduit dans de nombreuses langues. Avec ce roman, il évoque le destin du peuple arménien : "Nous sommes les plus anciens habitants de cette terre et nous sommes des vaincus pour l'éternité."

Philippe Villard, France-Arménie, numéro 378, septembre 2011


Dans sa seconde série d'été, consacrée non plus à la France, mais au monde dans 20 ans, Le Figaro publiait dans son édition du 12 août 2011 un article consacré aux projections sur la Turquie devenue depuis plus d'un siècle après la signature du traité de Lausanne le cœur d’une nouvelle Union ottomane, moins impériale que jadis, plus communautaire, façon Union européenne. La journaliste Laure Marchand, se pliant aux règles du jeu, imaginait une démocratie où les Kurdes disposent d'une autonomie semblable au modèle catalan, et faisait de Cengiz Aktar, l'expert des questions européennes, un conseiller auprès des Etats du Caucase et du Moyen Orient, candidats à l'entrée dans ce pôle de puissance géopolitique où l'on parlerait turc, arabe, serbe, perse, hébreu.

Intuition géniale
Retour au futur, retour au passé? Août 2011 encore. Daniel Arsand, prix Fémina du premier roman en 1998 pour La Province des ténèbres, et qui vient d'éditer le témoignage bouleversant de Zabel Essayan sur les massacres d'Adana, revient en littérature avec un roman dont le récit se déploie en 1909 à Adana, un certain mois d'avril. Quand fut réduite en cendres et à néant l'opulente communauté arménienne de la ville, assez peu politisée selon les critères des partis révolutionnaires arméniens de l'époque, mais fort dynamique économiquement et culturellement. L'intuition géniale de Daniel Arsand est de revenir littérairement sur ce paradoxe pour pointer l'insatisfaction de l'esprit face à l'enchaînement causal des faits qui mèneront à la catastrophe. En effet, ce qui est moralement inacceptable peut-il être expliqué totalement? Ne faut-il pas que demeure dans l'histoire comme dans la littérature la possibilité d'une autre issue, s'il est vrai que la liberté et la responsabilité qu'elle suppose, définissent l'humain? L'intelligibilité des événements est à ce prix. Pour transmettre le passé, il faut le rendre vivant et présent, comme s'il n'était pas déjà écrit, ce qui veut dire aussi restituer une part de ce mystère d'Adana, ses ombres et ses lumières, les contradictions en présence, les aléas de l'histoire, le courage, l'amour, la lâcheté. Daniel Arsand saisit ainsi sur le vif le portrait d'Adana lors des derniers jours de son quartier arménien en avril 1909.

Un visage aux acteurs du drame
Diran Melikian est un riche notable arménien d'Adana. Poète aussi. Il croit au progrès, à la modernisation de l'Empire et à l'avènement de la fraternité des peuples. Mais, la mélancolie de son fils unique est, pour lui et sa femme, un mystère insondable. L'enfant pressent-il qu'il survivra à ses parents, recueilli dans la famille d'Uzgür bey, notable turc d'Adana et ami des Melikian? Vahan revient précipitamment de Constantinople, où, trop bavard, il a trahi un groupe de révolutionnaires arméniens. Yessahi est à sa poursuite. Atom est orfèvre et l'oncle de Vahan. Dzadour, son fils de onze ans, tel Gavroche, combat sur les barricades arméniennes et meurt alors qu'il se croyait invincible protégé par son talisman. Ihsan Fikri fanatise les foules et se pose en rival du préfet Cevat bey que la Révolution jeune-turque balaiera. Si Vahan émigre aux États-Unis, il restera sans descendance. Daniel Arsand donne un visage à chacun des acteurs supposés de ce drame, empêchant ainsi les victimes de tomber dans l'anonymat et l'abstraction des chiffres. La puissance évocatrice du livre est un hommage certain à Zabel Essayan, dont l'ombre flotte sur ce roman à la fois épique et tragique.

Isabelle Kortian, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 177, Septembre 2011


Livre numéro 40
Daniel ARSAND --- Cliquer pour agrandir La Province des Ténèbres
Titre : La Province des Ténèbres / auteur(s) : Daniel ARSAND -
Editeur : Phébus
Année : 1998
Imprimeur/Fabricant : 61-Lonrai : Normandie roto impr
Description : 201 p. : couv. ill. en coul. ; 21 cm
Collection : D'aujourd'hui, ISSN 0992-5112
Notes :
Autres auteurs :
Sujets : Roman
ISBN : 9782859405397
Bibliothèques : Catalogué à la Bibliothèque Nationale de France
Prix : 18,14 euros
Achat possible sur : Amazon

Commentaire :

Nous sommes en Asie au XIIIe siècle, mais point pour autant dans ce qu'on appelle un roman "historique". Les hommes qu'on nous montre ont beau se mouvoir en costume d'époque, ils habitent un temps qui pourrait bien n'être pas loin du nôtre. Une caravane, partie de l'Arménie chrétienne, se dirige vers la Chine en empruntant l'interminable route de la Soie : lent cortège en mouvement et pourtant immobile, petite société sans femmes où le désir n'a que faire de l'ordinaire distinction des sexes… et où la violence des passions s'exprime à cru.

L'épopée des visionnaires
L'action se passe au XIIIe siècle. Un souverain arménien de Petite-Cilicie, Héthoum II, caresse le projet de christianiser la Chine, en envoyant un émissaire auprès de Kubilai Khan à Pékin. Une première expédition du marchand vénitien Montefoschi a été engageante. Le pape Nicolas IV l'a toutefois considérée avec mépris, ce qui n'empêche pas Héthoum II d'insister et d'adjoindre à la caravane un moine enlumineur de génie, Vartan Ovanessian. Le roman raconte leur voyage.
C'est, bien entendu, un récit d'aventures, écrit dans un style admirable et inclassable, d'une extrême précision, d'un raffinement qui n'est jamais gratuit, d'une réelle inspiration. Le temps, le genre le permettent. On est dans une zone où les visions guettent constamment les héros. Où commence le rêve, où s'arrête la superstition ? Où sont les limites du désir et de la souffrance, du besoin de conquête individuelle et politique ? En mettant en scène des guerriers, des artistes, des marchands en voyage, l'écrivain aspire à ce « devisement du monde » qu'avait tenté Marco Polo, autre inspirateur de l'ouvrage.
Vartan devrait peindre le portrait de Kubilai et lui offrir un livre enluminé. C'est la raison de sa présence dans l'expédition. Mais il veut aussi saisir l'émotion du voyage et faire de l'irreprésentable le sujet de ses tableaux. Ici, Daniel Arsand réunit les projets littéraires et picturaux et l'on sent, dans les pages qu'il consacre au peintre, bouleversé par les brumes miroitantes des plaines de Chine, auxquelles le pinceau se dérobe, qu'il atteint l'obsession de tout créateur : le monde se logera-t-il dans la page ou sur la toile ? Le monde a-t-il besoin des mots et des couleurs ? L'émotion esthétique est-elle trahie ou révélée par l'oeuvre d'art ?
Cette émotion vibrante parcourt du reste tout le livre, très riche d'événements, mais conduit par une seule passion de conquête. Il ne s'agit pas vraiment de conquête politique. L'expédition sera vouée à l'échec. C'est plutôt une conquête du sens et une quête métaphysique. Dans la barbarie, faite de désirs trop rapidement assouvis et de meurtres ignobles, les personnages se perdent. L'un après l'autre, ils disparaissent, tantôt vaincus par la maladie, tantôt victimes de vengeances personnelles, tantôt massacrés pour des raisons politiques. Les amitiés intenses qui unissent et finissent par séparer les personnages ne sont plus d'ordre psychologique. Une sensualité douloureuse les inquiète, les enivre, les décourage. Ils ne savent plus qui ils sont.
Aux côtés de Montefoschi, le marchand de Venise, et du peintre Vartan, se trouvent l'eunuque Hovsep et le médecin Arnaud de Roanne, tous deux très "yourcenariens". Ils vont connaître des fins tragiques, parce qu'ils portent sur le monde un regard trop savant, informé par des rêves, des hallucinations qui les arrachent à la terre. C'est dans les scènes les plus irrationnelles que Daniel Arsand excelle. On pense alors au cinéma. A Paradjanov, à Tarkovski, qui ont su décrire la perte de soi, la domination des sens, l'idéal esthétique et le voyage au pays des ombres.


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