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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Mkrtich ARMEN
( 1906 - 1972 )

L'auteur

Mkrtich ARMEN --- Cliquer pour agrandir
Naissance le 27 décembre 1906 à Gümri (la "Leninakan" de l'Arménie soviétique), décès le 22 décembre 1972 à Erevan (Arménie).

Fils d’artisans, il fit de sérieuses études, s’intégra à de nombreux groupes littéraires, avant de poursuivre sa formation à l’Institut de Cinématographie (Moscou). Auteur de romans et de contes, il connut une grande notoriété, en Arménie et jusque dans les milieux lettrés de l’ancien bloc soviétique.La Fontaine d’Héghnar, son chef-d’œuvre, parut en 1935.

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Livre numéro 39
Mkrtich ARMEN --- Cliquer pour agrandir La Fontaine d'Héghnar
Titre : La Fontaine d'Héghnar / auteur(s) : Mkrtich ARMEN - Roman arménien / Armen , Mkrtich ; version française de Lily Denis
Editeur : Actes Sud
Année : 1993
Imprimeur/Fabricant :
Description : 204 pages, couv. ill. en coul. 18 cm
Collection : Babel
Notes :
Autres auteurs :
Sujets :
ISBN : 9782742701483
Bibliothèques : Consultable à la Bibliothèque de la Cathédrale apostolique arménienne, Paris
Catalogué à la Bibliothèque Nationale de France
Prix : 5,70 euros
Achat possible sur : Amazon

Commentaire :

Ce roman écrit en 1933 en Arménie soviétique est un chef d’oeuvre pratiquement sans défaut. Une des rares grandes œuvres de fiction produites sous l’ère soviétique, c’est un voyage poétique émouvant, dans un monde d’amour détruit par l’obscurantisme, les divisions religieuses et ethniques, la bigoterie et la subordination traditionnelle des femmes aux hommes. La Gumri du début des années 1900 (autrefois Leninakan, et ville natale de Mkrtich Armen), habitée par des Arméniens, des Turcs et des Grecs, compose le décor vivant de l’amour contrarié d’Heghnar et de Varos.

Heghnar est la victime d’un mariage forcé avec un fontenier respectable et industrieux. Varos est un ouvrier. Leur amour illicite produira la mort d’Heghnar. Sur sa tombe, le mari construit une fontaine spéciale, portant l’inscription "Dans cette vie, la femme est une fontaine pour son seul époux". Et comme pour confirmer ce dictat moral, seul son mari peut tirer de l’eau de la fontaine d’Heghnar. Elle coule librement, mais s’assèche dès qu’un étranger s’approche. Cette sanctification apparemment miraculeuse de la tradition des mariages arrangés détruit peu à peu la foi de Varos en l’amour naturel, qui lui semblait être plus fort et supérieur aux traditions sociales et même plus beau que l’amour de Dieu. L’amour n’est donc pas de ce monde.

Varos vit maintenant en ermite et, se repentant de ce qu’il considère comme un péché, passe ses journées en prière. Mais alors que le mari d’Heghnar repose sur son lit de mort, Varos est abasourdi par la découverte fortuite que le "miracle" de la fontaine n’était qu’un produit de l’ingéniosité du mari. Il se rend brutalement compte que la perte de sa foi en l’amour humain n’a pas une cause surnaturelle mais est la conséquence d’un ensemble complexe de traditions qui donnent d’autres fondations au lien entre un homme et une femme.

"La Fontaine d’Heghnar" est une réussite remarquable dans sa capacité à transmettre la tragédie essentielle du besoin d’amour pris au piège d’une tradition écrasante. Sa lecture est expérience passionnante.

Malheureusement, Mkrtich Armen ne produisit plus d’ouvrage approchant de la qualité de "La Fontaine d’Heghnar". Bien qu’ayant passé de nombreuses années dans les prisons soviétiques, ce fut un écrivain prolifique, produisant de très nombreux romans et nouvelles. On retrouve la technique de "La Fontaine d’Heghnar" – une merveilleuse maîtrise de la langue, une sensibilité poétique, cette capacité d’observation, de création de personnages, de dialogues – mais la vie manque, écrasée par l’ardente obligation du "réalisme socialiste". Son roman "Yassva" paru après la Seconde guerre mondiale en est un exemple presque tragique. Une ouverture superbe, une profonde sensibilité. Mais cela dégénère dans une caricature ridicule, puisque le "réalisme socialiste" exige comme protagoniste un cadre du Parti idéal, sans défaut, absolument dévoué au Parti, et apparemment dépourvu de quelque conflit intérieur entre le devoir au Parti et une vie privée.

Che Guevara, qui fut par ailleurs un critique littéraire de talent, écrivit une critique aigue des ravages de la théorie littéraire du "réalisme socialiste".
"La culture (dans le camp soviétique) s’est transformée en une représentation mécanique de la réalité sociale qu’ils voulaient montrer – une société idéale, presque dénuée de conflits ou de contradictions… Mais pourquoi s’astreindre à ne trouver de seul remède que dans les formes gelées du réalisme socialiste (qui impose)… une camisole de force à l’expression artistique de l’homme tel qu’il est né et se développe."

Pendant des périodes parfois courtes parfois plus longues, quelques écrivains soviétiques réussirent à s’évader de la camisole de force et à produire des oeuvres durables. Avec Mkrtich Armen, Aksel Bakounts, Hrachia Kochar, Vakhtank Ananian et d’autres échappèrent parfois au filet et nous ont laissé des œuvres qui peuvent se lire avec profit aujourd’hui.


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