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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

E ALTIAR

L'auteur

 
"ALTIAR E" (Elias Sarkis) est connu comme étant un pseudonyme utilisé par Avétis Aharonian. Or le préfacier de l'ouvrage ci-dessous parle de "Mle E. Altiar" ?
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Livre numéro 1909
E ALTIAR --- Cliquer pour agrandir Le problème de Cilicie et l'avenir de la France au Levant
 
Titre : Le problème de Cilicie et l'avenir de la France au Levant / auteur(s) : E ALTIAR - préface de F. Jean-Desthieux
Editeur : Ernest Leroux
Année : 1921
Imprimeur/Fabricant : Imprimerie Lang
Description : 16,5 x 25 cm, 55 pages
Collection :
Notes :
Autres auteurs :
Sujets : Question d'Orient -- Cilicie arménienne -- Action de la France
ISBN :
Bibliothèques : Consultable à la Bibliothèque de la Cathédrale apostolique arménienne, Paris
Prix : 3 francs

Commentaire :

"E. Altiar" est connu comme étant un pseudonyme d'Avétis Aharonian ; or le préfacier parle de "Mle E. Altiar", de sa sensibilit féminine, etc ?

Prédace de F. Jean-Desthieux

Eh! oui, il y a un problème de Cilicie. -- Mais, la Cilicie, qu'est-ce que c'est que ça? Plus d'un l'ignore qui ne devrait pas s'en consoler. On sait bien qu'il s'agit d'une province d'Orient. Mais l'Orient, c'est si loin! Les affaires d'Allemagne et les difficultés de l'Entente franco-anglaise suffisent assurément à occuper l'esprit de nos contemporains, lorsque nul intérêt particulier ne les sollicite au delà d'un théâtre politique voisin, lorsqu'aucune obligation de profession ne les contraint d'interroger les livres pour se former une opinion. Quand les habitants de la Cilicie se plaignent de l'abandon où la France menace de les laisser, ils ne peuvent estimer à leur prix les arguments personnels mais puissants qui nous commandent de ne point disperser nos forces et de n'en pas abuser. La France a des soldats partout où il y a du danger, en Europe. Que va-t-elle faire en Asie Mineure, puisque la Cilicie est en Asie Mineure?
Vous dites que des engagements nous lient? Vous dites que l'honneur et l'intérêt de la nation exigent la présence de nos troupes dans cette autre Provence d'une Méditerranée trop vaste? -- L'opinion réclame des économies et la fin des combats. Les parlementaires français n'accorderont pas les crédits destinés à pourvoir aux frais d'expéditions lointaines.
Il est peu douloureux de disposer en effet du labeur, de la santé et de la vie de jeunes Français transformés en soldats pour quelques mois, lorsqu'on est soi-même installé dans le confort d'un cabinet de travail. Les vieux hommes et les dames trop fardées qui, durant les années des longues guerres, parlaient de gloire et de victoire sans compatir au martyre quotidien de ceux qui mouraient, cependant, ou qui donnaient leurs bras, leurs jambes ou leur esprit sans même avoir la certitude d'accomplir un utile sacrifice, ces vieux hommes (il y en avait de jeunes aussi) et ces dames qui n'étaient pas toutes vieilles, me paraissaient odieusement inhumains. A discourir sur la nécessité de maintenir en Cilicie un corps d'occupation français, on risque de mériter la malédiction des mères et de leurs fils. Et je n'ai pas assez de cynisme pour chercher cet opprobre. L'auteur de cet ouvrage, qui possède la fine sensibilité des femmes de France et qui, jugeant en femme, sait voir les choses avec le cœur d'une mère et l'esprit d'une épouse, n'a pas non plus, j'en suis sûr, l'ambition de mériter tant de courroux. Mais elle a entendu ceux qui ont été en Cilicie, et qui ont vu de leurs yeux le malheur qui s'apprête à tomber comme un brouillard d'hiver sur une population laborieuse et toujours condamnée. Elle sait que, la France partie, le sang des victimes débordera dans les vallées. Or, ces victimes, nous porterions devant le temps qui n'efface pas toute la responsabilité de les avoir promises au martyre, si nous les abandonnions au danger que nous ne pouvons méconnaître, après leur avoir donné l'illusion de la sécurité. Beaucoup de chrétiens, chassés par les combats voisins et par la férocité ottomane, ne sont venus se réfugier en Cilicie que parce qu'ils y avaient vu flotter le drapeau français. Et le Turc, qui nous trompe, guette déjà ces proies par l'angoisse retenues dans un piège que nous ne voudrions pas leur avoir préparé.
Non, je ne parle pas de l'intérêt économique — bien qu'il soit grand — que pourraient trouver en Cilicie des Français entreprenants, sous un régime de protection ou sous un mandat par eux organisé. La France n'a que faire de conquête. Elle n'a pas d'ambitions impérialistes : la convoitise est l'apanage de quelques autres peuples auxquels il ne nous plairait pas d'être comparés. Je n'explique pas que la Syrie sans la Cilicie est un domaine divisé et que les terres les plus fertiles comme les gisements les plus profonds ne se trouvent pas en Syrie. Les trésors ne tentent que les aventuriers de romans. Mais lisez l'ouvrage d'Altiar : il n'est pas long. Et voyez ce que vont faire ceux qui protestent contre le maintien de nos troupes dans cette partie de l'Orient : voyez le destin qu'ils préparent aux innocents qui s'y sont rassemblés pour y trouver enfin la confiance et la paix, -- non pour y être égorgés demain.
Et c'est ici qu'il faut pourtant aborder le côté politique de la question : voici des mois et des mois que les diplomates français, dont l'orgueil est plus grand que la science, s'humilient en de vaines négociations avec des Kémalistes qui les tiennent en haleine et les traînent après eux jusqu'à la fatigue, afin de les mieux tromper ensuite; voici des mois et des mois qu'après l'avoir battu, vous flattez le Turc, et c'est depuis que vous le flattez qu'il résiste le plus; voici des mois et des mois que vous usez toutes les patiences anglaises avec l'illusion de préparer la paix de l'Orient; voyez ce que vous avez fait : jamais l'insécurité ne fut plus grande en Orient. Ce Feyçal, que vous aviez souffleté, il est devenu roi; ce Kémal, que vous jugiez accessible à la bonne grâce, il vous a trompé deux fois; ces Turcs, que vous aviez cru devoir ménager parce que vous redoutiez les conséquences de leur dépit, ils vous défient et se moquent de vous. Va-t-on continuer à les flatter? Pour plaire aux Turcs qui ne comprennent que les rigueurs de la force, va-t-on sacrifier toute la population chrétienne de Cilicie?
Voilà le problème. Je sais le remède. Mlle El. Altiar, dont le travail n'avait nul besoin de présentation — puisqu'elle porte un nom déjà rendu notoire par de sérieux ouvrages et d'importantes collaborations aux plus grandes revues — l'indique mieux que je ne saurais le faire. L'écoutera-t-on? — Elle écrit quelque part : « Le Turc se sent attiré non vers une nation qui lui fait la cour, mais vers un peuple fort qui lui parle en maître ». Tous ceux qui connaissent vraiment le Turc m'ont dit cela. Il n'y a que les égarés des plus tristes passions « turques » qui m'aient soutenu le contraire. N'est-ce pas logique? Ils savent la faire, la cour, les fils d'Osman, eux aussi. Mais ils ne la font pas sans raison. S'ils flattent leurs hôtes ou leurs maîtres, c'est afin d'obtenir quelque privilège de leur candeur. Vous ne leur ferez pas croire que vous les courtisez en vain : lorsqu'ils vous voient gracieux, ces esclaves ne doutent pas de votre faiblesse. Et c'est alors qu'ils songent à vous trahir. Les officiers français qui ont fait campagne en Cilicie en ont tous témoigné. Si les administrateurs et les commissaires qui demeurent en arrière du champ d'opérations ne l'ont pas compris, est-ce une raison pour que nous puissions accepter que l'on prolonge cette parodie où la France s'humilie devant les Turcs? Et surtout, surtout, est-ce une raison pour que l'on abandonne à la fureur des massacreurs de chrétiens tous ces braves gens, hommes, enfants et femmes, à qui, par notre présence et par l'acceptation des services rendus, nous avions promis la vie sauve et le respect de leurs foyers?
F. JEAN-DESTHIEUX.


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