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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Journaux - Bulletins - Haïastan

Les 70 printemps de Haïastan

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Article de Tigrane Yégavian, dans France-Arménie, numéro 350, du 16 au 30 novembre 2009

En 1939, naissait le premier journal entièrement consacré à la jeunesse arménienne militante de France. Témoin clé d'une actualité mouvementée, Haïastan a évolué dans l'espace et le temps sans prendre de rides. A l'occasion du gala organisé pour les 70 ans de Haïastan, France-Arménie revient sur le parcours de son «jeune» confrère.



En ce samedi 24 octobre 2009, ils étaient une centaine à s'être donné rendez-vous dans les salons feutrés de l'hôtel Pullman, non loin de laTour Eiffel. Répondant à l'appel des jeunes du Nor Seround, des générations d'amis et de rédacteurs de l'organe de l'association ont célébré le 70e anniversaire du journal Haïastan. En dépit du climat politique actuel, peu propice à l'enthousiasme, les festivités se sont déroulées dans une ambiance chaleureuse et familiale, agrémentée la par la présence du pianiste de jazz Tigran Hamasyan.

Haïastan hier
Organe de presse de la FRA Nor Seround, Haïastan avait vu le jour, en mars 1939, sur l'initiative de deux militants dachnaks, Hovig Eghiazarian et Armik Djamalian, désireux de fonder un journal s'adressant à la jeunesse. De fait, ce journal possède la singularité d'être un précurseur du mouvement Nor Se-round (voir encart), dont le fondateur n'est autre que Schavarch Missakian, illustre homme de presse, grande figure intellectuelle et père du quotidien Haratch. Après une interruption de quelques années durant la Seconde Guerre mondiale, le journal Haïastan reprit sa parution et fut légué à la FRA Nor Seround dès la naissance de l'association. Armée de ce puissant laboratoire de pensée, la FRA Nor Seround sut préserver une dimension réflexive caractéristique des générations qui se sont succédé depuis 1945 dans l'association.
Mais ce qui façonne la particularité de Haïastan est sans aucun doute l'extraordinaire autonomie (qu'elle soit intellectuelle ou militante) dont ont disposé ses rédacteurs, de 1945 à nos jours. Témoin engagé des grandes évolutions de la Cause arménienne, l'organe de la FHA, Nor Seround, s'est toujours efforcé de répondre aux exigences d'information et de sensibilisation imposées par l'actualité du combat arménien. Aussi, Haïastan a connu différentes fréquences de publication tout au long de son histoire. En parcourant ses archives, nous faisons bien plus qu'une simple remontée dans le temps : nous nous forgeons une conscience nationale et historique. A travers les grandes unes de l'histoire du journal, nous retrouvons l'opposition au soviétisme, l'épisode de la lutte armée, la marche de l'Arménie vers l'indépendance, la guerre du Karabagh, ou encore l'actualité du Génocide arménien en France et dans le monde. En un mot, un journal toujours présent aux moments-clés. Pour l'anecdote, en 1988, c'est à Haïastan que Hraïr Maroukhian - à l'époque Premier secrétaire de la FRA - accorda sa première interview exclusive, au moment où son parti commençait à mener ses activités à ciel ouvert sur le sol de l'Arménie soviétique.

Haïastan aujourd'hui
Désormais, Haïastan est un bimestriel de vingt-quatre pages, en couleur, fonctionnant sur abonnement ainsi que par la vente à l'unité. Entièrement rédigé par les membres de la FRA Nor Seround, il traite des sujets d'actualité nationale et internationale, aborde et analyse avec un regard militant les évolutions de la Cause arménienne (Génocide, négationnisme, Djavakhk, Artsakh, questions de société en Arménie). Il accorde également une part importante à la culture arménienne et à sa diffusion dans toute la diaspora, sous la houlette de la FRA Nor Seround. Pour mémoire, cette dernière organisa en 2008 une exposition itinérante consacrée à Schavarch Missakian.
Pour cette rentrée universitaire, Haïastan est réapparu sous un nouveau format, plus moderne et attractif, sous l'impulsion de la nouvelle rédaction dirigée par Jules Boyadjian et Thadé Gharapétian, tous deux membres du Bureau national de la FRA Nor Seround. Gageons que ce journal continue de rajeunir dans les années à venir...


Encart

Le FRA Nor Seround, en bref
- première organisation de jeunesse militante de la communauté. Fondée en 1945 par Schavarch Missakian, dotée aujourd'hui de statuts associatifs loi 1901.
- oeuvre sur le terrain du militantisme politique (promotion des valeurs républicaines, lutte contre le négationnisme, défense des Arméniens du Djavakhk ...) en partenariat avec le Mouvement des Jeunesses Socialistes, SOS Racisme, le Collectif Urgence Darfour, l'Union des Étudiants Juifs de France et l'Association des Rescapés du Génocide rwandais.
- défend la culture et l'identité arméniennes : organisation de spectacles, présentation de livres, camps de jeunesse chaque été...).
- activités humanitaires en Arménie et en Artsakh (aide aux sinistrés du séisme de 1988, assistance humanitaire à Spitak et Chouchi).
- le Nor Seround compte une centaine de membres actifs, répartis autour des 11 sections nationales (Paris, Arnouville, Alfortville, Issy-les-Moulineaux, Lyon, Vienne, Grenoble, Valence, Bordeaux, Marseille et Nice).

T. Y.


Haïastan, à travers les époques, France-Arménie, numéro 350, du 16 au 30 novembre 2009
France-Arménie a demandé à d'actuels et d'anciens responsables du journal de livrer leur vision de Haïastan. Trois questions pour en cerner les valeurs, dire ce qui fait sa personnalité et retracer les grands moments de la vie du bimestriel.
1) Hier comme aujourd'hui, quelles ont été et quelles sont les principales valeurs que véhicule le journal Haïastan ?
2) En quoi peut-on dire que Haïastan constitue une école de journalisme militant?
3) Quel a été l'événement k plus marquant durant votre passage à la rédaction du journal?


de gauche à droite : Thadé Gharapétian, Loris Toufanian, Harout Mardirossian, Mourad Papazian

Thadé Gharapétian, actuel directeur de publication
«Un traitement en profondeur de l'actualité»
1) Haïastan a été pendant des décennies le seul moyen d'expression pour la jeunesse arménienne. A l'époque, il n'y avait ni radio ni Internet pour que les jeunes puissent faire entendre leur voix. Au fil du temps, nous nous sommes transformés. En publiant avec plus d'espacement, nous avons opté pour l'analyse et un traitement davantage en profondeur de l'actualité de la Cause arménienne.
2) Haïastan est un espace de libre échange et de débat où l'on apprend à argumenter. Beaucoup de journalistes de la presse arménienne sont passés par Haïastan. C'est notamment le cas de Varoujan Sarkissian ou de Vahé Ter Minassian.
3) Lors de la campagne électorale pour les municipales en Arménie, j'ai eu l'occasion d'interviewer le candidat de la FRA à la mairie d'Erévan, Artsvik Minassian. J'ai beaucoup apprécié sa jeunesse, son profil atypique et son image résolument intègre et moderne.

Loris Toufanian, actuel rédacteur à Haïastan, membre du Bureau national du Nor Seround
«Haïastan a fait naître des vocations»
1) Haïastan existe aujourd'hui pour nous rappeler l'importance d'une presse écrite de référence. Parmi les valeurs de notre journal, on retrouve l'esprit de contestation et la continuelle remise en question au cours des différentes périodes de son histoire. Il faudrait souligner également l'esprit de responsabilité chez les jeunes qui assument leurs idées comme le fonctionnement du journal.
2) Haïastan a fait naître des vocations et participé à l'éveil des consciences. Au niveau de la méthodologie et de l'analyse, nous sommes appelés à fournir un travail régulier et critique, ce qui peut déboucher sur des carrières de journaliste.
3) L'un des événements les plus marquants dans l'histoire du journal restera à mes yeux l'indépendance de l'Arménie, pour laquelle Haïastan avait milité activement. D'ailleurs, notre journal a consacré sa une à cet événement le 18 septembre 1991, soit trois jours avant la proclamation officielle. Par la suite, nous avons poursuivi notre combat pour la démocratisation du pays, en proposant un examen critique dans un esprit combatif.

Harout Mardirossian, ancien président du CDCA, rédacteur en chef de Haïastan de 1993 à 1997
«Un journal en avance sur son temps»
1) C'est l'engagement aux sens multiples (politique, associatif...), le réflexe de rigueur, l'esprit d'équipe et la camaraderie qui font les valeurs de Haïastan. Je me remémore l'intensité des débats au sein de la rédaction. Notre journal était en avance sur son temps : nous avons été les premiers, par exemple, à lancer le débat sur les questions de racisme et de génétique au début des années 1990.
2) Haïastan a été une école, au sens où l'on reçoit au départ les conseils des anciens : écrire régulièrement, découvrir l'humilité et la vie en groupe. J'y ai appris pour ma part l'argumentation, la clarté et la synthèse, ce qui m'a été très utile dans mon action auprès du CDCA.
3) Je citerai trois événements. Premièrement, l'affaire Lewis en 1994-1995 et le procès du négationnisme qui s'en est suivi. C'était l'époque où le négationnisme passait à l'offensive. Deuxièmement, le vote en mai 1998 de la loi sur la reconnaissance du Génocide à l'Assemblée Nationale française. Troisièmement, la tuerie au Parlement arménien d'octobre 1999 qui restera dans les mémoires comme le summum de la bassesse et de la crise morale dans l'histoire de l'Arménie indépendante.

Mourad Papazian, co-président de la FRA Dachnaktsoutioun pour l'Europe occidentale, rédacteur en chef de Haïastan de 1987à 1991
«Les jeunes sont responsables de A à Z»
1) Haïastan est un fil conducteur pour la jeunesse arménienne depuis 70 ans. Il est la preuve vivante de l'engagement et du combat pour la Cause arménienne. On y retrouve l'esprit de responsabilité, d'engagement et de rassemblement pour les jeunes. Mais Haïastan est aussi un espace où ces derniers réalisent leurs premières armes dans l'exercice journalistique. N'oublions pas que ce journal a toujours été totalement libre, et a disposé d'une plus grande marge de manœuvre que les autres titres de la presse arménienne.
2) Haïastan est une véritable école où les jeunes assument la conception du journal de A à Z : l'arbitrage des articles, la rédaction, la fabrication, la diffusion, la publicité et la vente par abonnement.
3) La lutte armée est le phénomène qui m'a le plus marqué. En 1980, j'étais rédacteur à Haïastan lorsqu'on arrêta à Belgrade le militant des Commandos des justiciers du Génocide arménien, Hraïr Kilindjian. A l'époque, je couvrais l'actualité de son procès. Cet événement a provoqué chez moi un grand choc qui a été déclencheur de mon action militante et de mon engagement dans le combat pour la défense de la Cause arménienne.

Propos recueillis par Tigrane Yégavian


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