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Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée (France)

Activités

Charenton-le-Pont, 27 avril 2010
Commémoration du 95e anniversaire du génocide de 1915


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La Municipalité de Charenton-le-Pont et l'Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée vous ont invité à assister à la cérémonie de Dépôt de gerbe devant le Khatchkar de Charenton-le-Pont (94220), rue Paul-Eluard-angle rue des Bordeaux, le Jeudi 27 avril 2010 à 17 heures 30.
La cérémonie a eu lieu en présence de :
  • M. Jean-Marie BRETILLON, Maire de Charenton-le-Pont, Conseiller général du Val-de-Marne
  • Membres du consei municipal de Charenton-le-Pont
  • Membres du Conseil d'administration de l'ACAM
  • Donateur du monument
  • Anciens combattants arméniens
  • Autres personnalités civiles et religieuses.
  • Voir l'affiche

    Monseigneur Norvan Zakarian, primat du diocèse de France de l'Eglise apostolique arménienne, a conduit les prières de cette commémoration.

    Compte rendu de la cérémonie
    Allocution d'Annie Pilibossian, présidente de l'ACAM


  • Photos © Philippe Pilibossian

    Charenton 2010 - Le Khatchkar --- Cliquer pour agrandir
    Allocution de M. Jean-Marie Brétillon,
    Maire de Charenton-le-Pont
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    Allocution de Mme Annie Pilibossian, présidente de l'ACAM

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    Anciens combattants français et arménien

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    Dépôt de la gerbe de l'ACAM

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    Drapeaux baissés pour les honneurs militaires
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    Les ecclésiastiques, de gauche à droite
    Archiprêtre Avédis Balekian, R.P. Muron Kewikian, Mgr Norvan Zakarian, R.P. Nerseh Baboudjian, P. Dirayr Keledjian

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    M. Jean-Marie Brétillon,
    Maire de Charenton-le-Pont
    et M. Thibault Vitry, Maire-adjoint de Saint-Maur

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    Recueillement
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    M. Jean-Marie Brétillon et Vartan Berberian, auteur de l'ouvrage "Le figuier de mon père"

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    Les personnalités
    De g. à droite : Krikor Djirdjirian (ancien combattant), Mme Annie Pilibossian, présidente de l’ACAM, P. Avédis Balekian, R.P. Nerseh Baboudjian, Jean-Marie Brétillon, Maire de Charenton-le-Pont, Mgr Norvan Zakarian, M. Thibault Vitry, R.P. Muron Kewikian, P. Dirayr Keledjian, Jacques Deirmendjian (ancien combattant)


    Compte rendu de la cérémonie

    Pour la sixième année consécutive l'ACAM a organisé avec la Municipalité de Charenton-le-Pont une cérémonie commémorative, en hommage aux 1 500 000 Arméniens, victimes du premier génocide du XXe s., perpétré en 1915, au sein de l'Empire ottoman, par le gouvernement Jeunes-Turcs. Depuis 2005, l'association a le devoir de préparer la cérémonie annuelle du souvenir devant le monument khatchkar.
    Malgré les vacances scolaires dans la région parisienne, une centaine de personnes, des Charentonnais, des Arméniens, des amis et autres curieux sont venus assister au dépôt de gerbes. En ce jour ensoleillé d'avril, le square qui abrite la stèle fleurie grouille de monde, en particulier d'enfants. Dans le public, un habitué, Vartan Berbérian, auteur du livre à succès "Le figuier de mon père" se rappelle son ami, le Dr Léon Hovnanian, récemment décédé. Tous deux s'étaient retrouvés il y a deux ans ici même, à l'occasion d'une précédente cérémonie.

    Parmi les présents, citons d'abord Jean-Marie Brétillon, Maire de Charenton-le-Pont et Conseiller général. Accompagné des membres du Conseil municipal, il apporte un soutien fidèle aux Arméniens de la région. La Municipalité de Saint-Maurice est représentée par Thibault Vitry, Maire-adjoint chargé de la vie associative, qui dépose une gerbe au nom de sa ville.
    Mgr Norvan Zakarian participe pour la première fois à notre commémoration depuis sa nomination comme Primat du Diocèse de l'Église arménienne de France. Les Très Révérends Pères Muron Kewikian (Paroisse d'Issy-les-Moulineaux), Nerseh Baboudjian (Paroisse d'Alfortville), l'Archiprêtre Avédis Balekian (Paroisse de Paris) et le Père Dirayr Keledjian (Paroisse d'Alfortville) l’accompagnent.

    Après une brève présentation du déroulement de la cérémonie, Mme Annie Pilibossian, Présidente de l'ACAM donne la parole à M. Brétillon qui surprend l'assistance encore une fois par son éloquence, son franc-parler, sa parfaite connaissance de l'histoire et de la problématique arméniennes. Ensuite, Mme Pilibossian, au nom de l'ACAM et de tous les Arméniens présents à la cérémonie, prononce une allocution émouvante (voir ci-dessous le texte intégral). Elle évoque le rôle de l'église et de la foi chrétienne au sein de la Nation arménienne à la veille du génocide. Puis, elle parle du livre de Yervant Odian, Journal de déportation, dont elle lit un extrait. Le public est visiblement troublé de la force que dégage le texte de la citation. Au moment du dépôt des gerbes la réunion prend une tournure militaire : … garde à vous, aux morts, lever des drapeaux, on entend l'hymne arménien "Haratch nahadag". Jacques Deirmendjian et ses collègues anciens combattants avec leurs drapeaux français et arméniens, sont les alliés incontournables du bon déroulement de la cérémonie. Suivent les prières en langue arménienne, qui retentissent dans l'air, telles les cloches d'une église. Aussitôt, grands et petits, curieux, approchent de tous les coins du jardin pour mieux entendre la douce mélodie des plaintes arméniennes.
    La Marseillaise, hymne national de la République française, clôt la cérémonie.

    Les personnes intéressés ont pu se procurer le livre d'Yervant Odian "Journal de déportation" (Éditions Parenthèses, Marseille). Après la cérémonie, Mgr Zakarian a félicité Mme Pilibossian pour son allocution ; il a par ailleurs remarqué que le monument nécessite une restauration, comme malheureusement de nombreuses autres stèles commémoratives.


    Allocution de Mme Annie Pilibossian, présidente de l’ACAM

    Monseigneur, Révérends Pères,
    Monsieur le Maire,
    Monsieur le Maire-adjoint de la ville de Saint-Maurice,
    Mesdames et Messieurs les élus,
    Mesdames et Messieurs et Chers amis,

    Le mois d’avril symbolise le printemps, la renaissance, les Pâques fleuries. Pour le peuple arménien, le mois d’avril est le temps du deuil national. En effet, il y a 95 ans, au lendemain de Pâques 1915 débutent l’anéantissement programmé, l’exode, l’expatriation de leur terre ancestrale de plus d’un million et demi d’Arméniens par les autorités ottomanes. Cette page tragique de notre histoire aboutit à la destruction physique, économique et spirituelle, à la confiscation des biens de la nation arménienne, vivant sur le territoire de l’actuelle Turquie. En marge des massacres et des déportations, de nombreux faits attestent que le gouvernement des Jeunes-turcs a planifié une politique préméditée et systématique visant à détruire également les témoins matériels de la civilisation arménienne. Conscients du rôle de l’église et de la foi chrétienne au sein de la nation arménienne, les gouvernants à l’époque ont sciemment massacré les clergés arméniens, détruit, brûlé et pillé des églises, des monastères, des milliers de manuscrits et enluminures médiévaux. Cette politique de destruction du patrimoine culturel et historique arménien a été poursuivi dans la Turquie républicaine avec la transformation, à la fin des années vingt, des noms de certaines localités en Arménie occidentale. 90 % des villes, des sites géographiques arméniens, des bourgades et des inscriptions arméniennes dans l’Est de la Turquie ont été turquifié, afin d’effacer les traces d’une présence jugée indésirable et déniée.
    Tout acte commis dans le dessin de détruire le patrimoine culturel d’un peuple ou d’un groupe ethnique est qualifié de génocide culturel. Ce concept n’est pas encore inclus dans la Convention des Nations Unis de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. Dans sa résolution du 18 juin 1987 le Conseil de l’Europe a demandé à la Turquie de traiter équitablement la minorité arménienne en ce qui concerne son identité, sa culture, sa langue, sa religion et son système d’enseignement, faisant appel pour le maintien et la conservation des monuments arméniens se trouvant sur le territoire turc.
    Mais le génocide culturel et spirituel contre le patrimoine arménien en Turquie se poursuit… Les apôtres Saint Bartholomé et Saint Thaddée, fondateurs de l’église apostolique arménienne ont été martyrisés dans le sud de l’Arménie historique. Le monastère St. Bartholomé (actuellement dans le Sud-Est de la Turquie) construit au IVe s. sur le site du martyre de l’apôtre, abritant son tombeau à l’intérieur de la cathédrale, était un lieu de pèlerinage important avant le génocide. Dans les années 1960, l’armée turque a partiellement détruit le monastère à l’aide d’explosifs pour le transformer en installation militaire.

    Autre exemple plus récent, en France, à peine l’année de l’Arménie s’est-elle achevée, que la saison de la Turquie est survenue comme une démarche maladroite de revanche, afin de restaurer une image du pays ternie par le négationnisme, le blocus sur l’Arménie, l’occupation de Chypre, sans oublier le non-respect des droits des minorités qui y habitent. Parmi les centaines d’activités culturelles proposées au public, combien ont-elles montré le rôle des Arméniens dans l’Empire ottoman ? En tout cas, aucune n’a mentionné le premier génocide du XXe siècle. La communauté arménienne a mal vécu cette attitude de silence, voire de complaisance des autorités françaises envers l’État turc qui continue officiellement à nier la réalité du génocide, alors que des centaines de pays l’ont reconnu, dont la France par une loi en 2001.
    Souvenez-vous, il y a un an, une tentative de « normalisation » des relations entre la république d’Arménie et la Turquie avait été amorcée avec la mise en place d’une mystérieuse feuille de route. En octobre 2009, cette feuille de route a été concrétisée par la signature de deux protocoles d’accord, par les ministres des affaires étrangères respectifs en présence des grandes puissances. Les textes prévoient l’instauration des relations diplomatiques entre les deux États par le renforcement d’une coopération, fondée sur l’ouverture de la frontière commune, ainsi que la constitution d’une commission intergouvernementale, chargée de définir les « problèmes de dimension historique » qui existent entre les deux États, et de formuler des recommandations. Or ces problèmes relèvent des droits et des intérêts de la Nation arménienne tout entière, constituée pour partie des citoyens de la République d’Arménie et pour partie des descendants de la Nation arménienne de Turquie, qui vivent aujourd’hui en diaspora.
    Le processus de ratification, qui a logiquement suivi la signature des protocoles, après avoir été retardé à plusieurs reprises, se trouve aujourd’hui dans l’impasse. La diplomatie turque, aveuglée par un négationnisme de plus en plus virulent, pose des conditions préalables à la ratification, qui sont irréalisables. Elle cherche à en finir avec la question du génocide, à asphyxier économiquement le pays en maintenant l’embargo, elle veut diviser les Arméniens de la diaspora et ses frères et sœurs d’Arménie.
    Non, Mesdames et Messieurs, le génocide du peuple arménien n’est pas négociable ni contre le Karabagh, ni contre l’ouverture des frontières!
    La mémoire de nos ancêtres n’est pas à vendre!
    Le génocide étant une notion juridique, il existe la possibilité d’engager des actions légales du point de vue du droit international, établir la relation entre crimes de guerre et crime contre l’humanité avec toutes les conséquences que cela impliquerait.
    Pendant des décennies, le meurtre collectif de plus d’un million et demi d’Arméniens a eu un impact relativement faible sur la conscience publique. Les États, les hommes politiques ne s’aventuraient guère à défendre notre cause, ignorant jusqu’où se trouve l’Arménie. La nation arménienne a dû travailler dur, sans relâche pour faire éclater l’histoire du génocide arménien au grand jour. Ce n’est que récemment, que les grandes institutions internationales – telles les Nations Unis, le Parlement européen, ainsi qu’une centaine de Parlements nationaux l’ont officiellement reconnu.

    Avec les votes en faveur de la reconnaissance des Parlements catalan et suédois, ainsi que de la commission des affaires étrangères de la chambre des représentants des Etats-Unis, la problématique arméno turque a refait surface sur la scène internationale.
    S’emparant du sujet, les principaux médias britanniques, américains, canadiens, allemands, français ont diffusé des émissions montrant entre autres des photos d’archives des déportations, des charniers. Des millions de gens ont également vu des images du mémorial Dzidzernagapert, à proximité de la capitale Erévan, monument dédié aux victimes du génocide, dont la flamme éternelle rappelle à l’énorme foule qui afflue tous les 24 avril, fleurs en main, que personne ne doit jamais oublier ce qui s’est passé, il y a 95 ans.
    De l’autre côté de la frontière commune, les Turcs sont en train de briser un tabou. Pour la première fois cette année à Istanbul, des défenseurs des droits de l’homme et des artistes turcs ont participé à une démonstration silencieuse, brandissant des photos des dirigeants et intellectuels arméniens déportés et assassinés le 24 avril 1915. Un peu plus loin, en signe de recueillement, des anonymes ont déposé des œillets rouges sur la tombe du journaliste Hrant Dink, sauvagement assassiné en janvier 2007.
    À des milliers de kilomètres de Dzidzernagapert, comme partout dans le monde, ici en France, les manifestants Arméniens, toutes générations confondues, soutenus par les élus de la république française, réclament une reconnaissance de la Turque, reconnaissance internationale, demandent le vote au Sénat d’une loi, pénalisant la négation du génocide arménien.
    Merci Monsieur le Maire, au nom de la communauté arménienne de Marne-la-Vallée, au nom des Arméniens présents ce soir à la cérémonie de commémoration, merci de votre soutien actif et fidèle à notre cause.
    Nos remerciements sont adressés également à Mgr Norvan Zakarian, Primat du diocèse arménien pour la France et l’Europe occidentale. Nous savons Monseigneur, que vous êtes très occupé par votre mission apostolique qui requiert des qualités et de l’énergie. Aussi, nous vous remercions, vous, et les révérends pères, d’être venus à Charenton, le temps d’une prière, honorer la mémoire de nos ancêtres, victimes innocentes de la barbarie ottomane.
    Chaque année, nos amis les anciens combattants et résistants arméniens prennent l’engagement de donner à cette humble cérémonie une allure plus vivante. Merci Messieurs, pour votre présence à nos côtés, qui rappelle à juste titre la totale fidélité des Arméniens à la France.
    Depuis 22 ans, notre association œuvre pour la sauvegarde du patrimoine culturel arménien, encourage les talents artistiques, fait la promotion de livres et de DVD. Notre publication biannuelle Bulletin de l’ACAM, ainsi que notre site Internet www. acam-france.org répertorient les nouveaux ouvrages écrits sur les Arméniens et l’Arménie en langue française. À ce jour notre bibliographie a référencé 1510 livres pour 773 auteurs. Parmi les nouveautés parues en 2010, l’ouvrage dont je veux vous parler aujourd’hui est remarquable à plus d’un titre. Il y a un mois, nous avons reçu des Éditions Parenthèses quelques exemplaires de la nouvelle traduction en français d’un des rares témoignages directs, écrit par une grande figure de la littérature arménienne du début du XXe s., à la fois témoin et victime « chanceuse » du génocide - Yervant Odian.

    Cette nouvelle traduction est titrée Journal de déportation, alors qu’en 1919 l’ouvrage avait déjà connu une première traduction française, effectuée par l’auteur lui-même, intitulée Années maudites, souvenirs personnels 1914-1919, traduction littérale de Անիծեալ տարիներ (անձնական յիշատակներ), éditée comme feuilleton dans le journal Jamanag (Temps), pour lequel travaillait le journaliste à l’époque.
    Yervant Odian (1869–1926) est issu d’une brillante famille arménienne de diplomates et d’hommes d’états, lui-même est écrivain et journaliste, pamphlétaire connu pour son style satirique, lorsqu’il décrit dans ses romans la société avec ironie et humour (Camarade Pantchouni). Arrêté à Constantinople quelques mois après la rafle du 24 avril 1915, durant laquelle quelque 650 intellectuels arméniens sont arrêtés, Odian est déporté comme les autres vers le désert syrien, mais il survit et rentre au bout de trois ans. Peut-être se rend-il compte à ce moment-là que son arrestation tardive lui a porté « chance », il décide alors de rédiger et de publier le vécu de ses années maudites en tant que souvenirs personnels. Doté d’une mémoire phénoménale et du souci des détails, il rédige rapidement un texte, qui donne l’impression au lecteur d’assister aux scènes. Les images défilent comme un diaporama de photos sans retouches. Son style est clair, direct, dépourvu de toute tournure littéraire recherchée ou excessive, remarquable par la véracité des faits rapportés. Le Journal de déportation est différent des autres œuvres d’Odian par la transmission littéraire de son propre vécu. Au milieu des déportés, le cœur meurtri par la vue des horreurs insupportables, il comprend que l’acharnement de la police ottomane d’orienter les convois vers le désert mésopotamien inhabité et hostile est la concrétisation d’une politique d’anéantissement préméditée.
    « J’ai voulu avant tout être fidèle à la vérité, n’altérer en rien les faits, n’en exagérer aucun. Et pourtant, la réalité était si effroyable que beaucoup ont cru qu’il y avait des exagérations dans mes écrits. Ceux qui ont enduré les souffrances de la déportation et qui ont pu survivre, ceux-là pourront témoigner que je n’ai en rien altéré la réalité » ,- confie-t-il dans l’épilogue.
    La route de déportation commence à Constantinople (Istanbul) en direction de sud-est. Première destination - Konya, lieu de rassemblement des familles déportées qui affluent de tous les vilayets de l’Anatolie. Les convois sont ensuite orientés vers Tarse, Adana et Alep, en passant par Osmanié, jusqu’à la dernière destination, Deir-ez-Zor ou « les portes de l’enfer ». Quiconque arrivait à Deir ez-Zor, savait qu’il n’y avait pas de retour possible...
    L’extrait que j’ai choisi à lire est difficile à supporter, il est très parlant.

    … Nous sommes restés près de dix jours à Osmanié. Puis on nous a fait reprendre la route en voiture vers Islahié qui se situait à deux jours.
    Sur cette route, nous avons vu la misère indescriptible des convois de déportés. Par milliers, des femmes, des jeunes filles, des garçons, courbés sous le poids de leurs fardeaux, en proie à leurs souffrances et épuisés, marchaient sans fin sur des routes escarpées, pierreuses, boueuses, laissant échapper des gémissements et des plaintes. Ici ou là, des corps déchiquetés par des oiseaux de proie, des chiens et des hyènes. Des malades sans secours qui gémissent sous des arbres. Des nouveau-nés abandonnés qui vagissent, affamés. Des morts mal enterrés, à la hâte, et dont une jambe ou un bras dépasse... D'horribles scènes d'enfer qu'aucun Dante n'a pu imaginer.
    Des petits enfants, perdus ou abandonnés, qui gémissent ou qui appellent « Maman, maman ! » et auxquels personne ne répond.
    Nous assistions à cette insupportable catastrophe, à ces épouvantables horreurs sans pouvoir apporter la moindre aide, la moindre consolatio
    .

    Pour conclure, je voudrais prolonger la pensée d’Odian en disant qu’aujourd’hui, en honorant la mémoire de ces victimes innocentes, nous- descendants des rescapés-, nous envoyons un message urgent aux présentes et futures générations de tous les peuples du monde moderne de se souvenir et d’enseigner ce qui s’est passé, pour que jamais dans aucune partie du monde, le danger de génocide ne réapparaît.

    Charenton, le 27 avril 2010, Annie Pilibossian


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