Activités

Bécherel (35190) est une petite ville charmante et paisible en Bretagne, au nord-ouest de Rennes ; sa particularité : elle a 745 habitants (statistiques officielles 2005) et 21 librairies, d’où son appellation de « Cité du livre ».. Deux manifestations importantes sont organisées par la municipalité autour du Livre : "La Nuit du Livre" (2e semaine d'août) et "La Fête du Livre" (week-end de Pâques). Cette année, dans le cadre de la "Saison de la Turquie en France" (juillet 2009-mars 2010), le Comité "Bécherel, Cité du livre" a organisé les "3 jours (7 au 9 août) La Turquie au pays des mille et un livres", avec présentation-vente de livres, conférences, concert, expositions, exposition-vente de produits culinaires turques, … Jean-Louis YAÏCH, un libraire de Bécherel contacte l'ACAM, Association Culturelle Arménienne de Marne-la-Vallée, par courriel et par téléphone (27 juillet) ; il nous écrit « La présence arménienne me semble d'autant plus indispensable qu'il y aura sans doute, soit l'ambassadeur, soit un de ses représentants sur place. Nous voudrions apporter une petite goutte d'eau pour la reconnaissance du génocide et pour la présence de la créativité de votre diaspora », en joignant le programme des "Journées". Il nous demande de mettre sur pied une exposition, une conférence, musique arménienne.

Me trouvant seul dans la région parisienne, j'essaye de trouver des personnes pour aller à Bécherel et représenter dignement "la culture et l'histoire arméniennes". Tous mes efforts n'ont pas étaient vains : Paul KAZANDJIAN, auteur de deux albums de photographies de l'Arménie turque, et avec qui l'ACAM avait organisé l'année dernière une exposition au Perreux-sur-Marne, accepte de participer ; mais je ne trouve pas de conférencier. Le 31 juillet Jean-Louis YAÏCH et son associé, François DARTOIS, viennent de Bretagne au siège de l'ACAM pour recueillir des informations et emporter des documents. Le contact est tout de suite très sympathique entre nous trois. Finalement, un de mes vieux amis et complice, Jean-Claude DELACROIX, prend la responsabilité de faire une conférence-débat : "La face cachée de la Turquie, essai d'une chronologie des événements marquants entre l'Europe la Russie et l'Empire ottoman, de 1833 à 1923". Donc, c'est le moment de lancer l'information aux Arméniens : l'information est envoyée à la presse arménienne et Jean-Pierre HATCHIKIAN, notre Webmaster, envoie l’information aux abonnés du site de l'ACAM.

Le samedi 8 août au matin, nous nous dirigeons vers Bécherel. Arrivés, en début d'après-midi, nous sommes chaleureusement accueillis par Jean-Louis Yaïch ; partout dans la ville des affiches annonçant notre exposition et notre conférence sont placardées ; je constate que Paul Kazandjian est sur place et il a accroché ses photographies sur les murs de la libraire "Livres & Autographes" et une projection de ses diapositives est préparée dans le sous-sol du magasin. Avec plaisir je salue, en plus, Hratch Bédrossian, directeur-propriétaire des éditions "Cercle des écrits caucasiens" qui, à temps, a pu recevoir notre message, et expose déjà ses ouvrages édités sur les persécutions des Arméniens dans l'Empire ottoman (voir la Bibliographie sur le site de l'ACAM). À 17 heures, une vingtaine de personnes se pressent pour écouter les propos de Jean-Claude Delacroix, parmi elles des Arméniens et un britannique, Joseph Bergin, Professeur d'histoire à l'Université de Manchester.

J'ai rencontré quelques Turcs ; ils étaient très discrets ; ils sont venus scruter les livres exposés à la librairie "Livres & Autographes" et admirer les photos de Kazandjian. Même, on m'a signalé qu'il y avait des représentants turcs dans la pièce de la conférence.

Nous avons également rencontré plusieurs autres Arméniens, sans savoir comment ils étaient au courant et pourquoi ils avaient accouru ; l'un d'eux d'un âge très avancé originaire de Mouche – me dit-il -, très déterminé, m'a remis un texte écrit pour diffuser. Avec sa permission de vous le lis : « Oui, ce pays touristique (La Turquie), où on veut nous faire croire que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, cache 1 500 000 morts, le cadavre d'un peuple assassiné pour paraphraser Jaurès. L'année de la Turquie dans le village breton de Bécherel est une alarme. Il n'est pas possible que la France, la première, parmi des dizaines d'Etats dans le monde, à avoir reconnu le génocide arménien, permette que les festivités prévues partout sur le territoire de la République pour l'année de la Turquie servent, avec l'aide des représentants de l'État de quelque niveau qu'ils soient, à masquer le génocide. Lançons un appel à tous ceux qui on fait l'année de l'Arménie en 2007. L'année de la Turquie est aussi l'année de l'Arménie occidentale, notre pays. Face à chaque manifestation de la Turquie négationniste, intervenez partout, par le moyen de nos radios et nos journaux, par vos relations partout dans le pays et par tous les media, faites pour l'Arménie occidentale ce que vous avez fait pour l'Arménie. »

Oui, les Turcs viennent nous expliquer qu’ils ont fondé la ville de Marseille (j’avais appris à l’école qu’il s’agissait des Phéniciens), oui, les touristes se pressent en Turquie à des prix défiant toute concurrence pour admirer la basilique chrétienne Sainte-Sophie, et les ruines grecques ou romaines à Troie, Pergame, Ephèse, Antalya ou Thermessos. Mais quant à nous : notre présence à Bécherel ne servait pas de caution, et nous n’étions pas des “idiots utiles”. Il s’agissait bien de témoigner d’une « autre Turquie », et nous pourrions faire en sorte que cette « Saison de la Turquie » devienne d’ici avril prochain une « Saison du génocide arménien ».

Philippe Pilibossian, 13 août 2009