Activités

Mémorial arménien, Charenton-le-Pont, 25 avril 2006

“Le sang sèche vite” disait André Malraux. Celui de nos pères n’a pas séché assez vite, il coule encore dans nos veines, dans celles de nos enfants, se répand dans le fleuve de la vie et se perd dans l’océan de l’espérance.
Un poète arménien l’a dit : “On peut tuer un peuple, mais sa voix ne meurt jamais.”

Écoutez cette voix qui vous parle, vous toutes et vous tous présents, ici et maintenant, à Charenton-le-Pont.

Le 24 avril 1915, Talaat Pacha, ministre de l’Intérieur du Sultan de Turquie envoyait à tous les postes de gendarmerie de l’Empire, l’ordre irrévocable de déporter tous les Arméniens, vieillards, femmes, enfants et hommes valides.
Un million et demi ne revinrent jamais et disparurent pour toujours. Souvenez-vous tous, souvenez-vous tout particulièrement vous, les plus jeunes, vous qui devez reprendre le flambeau des mains des plus anciens comme l’exige notre tradition.

En 1975, pour le soixantième anniversaire du génocide, un poète arménien a écrit ces vers admirables :
“Ils sont tombés en croyant ingénus
Que leurs enfants pourraient continuer leur enfance
Qu’un jour ils fouleraient des terres d’espérance
Dans des pays ouverts d’hommes aux mains tendues.”

Quatre-vingt onze ans après, nous, les survivants des survivants, nous n’avons pas encore réussi à obtenir justice pour ceux qui sont tombés, mais nous n’abandonnerons pas et nous ne sommes pas seuls.

Merci à la France qui nous a ouvert les bras, qui nous a protégés et nous protège encore.
Merci à la ville de Charenton-le-Pont qui abrite un khatchkar et nous accueille cet après-midi.
Merci à tous les représentants de la Nation qui votèrent au nom de la France la reconnaissance du génocide arménien.
Merci enfin à Jean-Marie Brétillon, Maire de Charenton-le-Pont, qui n’avez pas hésité, en homme de cœur et en homme de courage, à rendre cet hommage au peuple arménien. Nous n’oublierons pas.

Mais notre combat est un combat contre tous les négationnistes. Le négationnisme est une seconde mort qui s’ajoute à la mort. Pour nous, les fils et filles des survivants, cette épreuve est plus cruelle encore.
“La faiblesse de la force est de ne croire qu’à la force” a un jour écrit Paul Valéry. Ils ont tué, tué et tué encore. Mais il reste des survivants. Notre famille a disparu, mon père survécut et je suis là pour témoigner combien ses souffrances furent grandes, combien sa peine fut immense et combien cruelle sa mort.

Nous demandons à la Turquie qu’elle reconnaisse ce crime pour tourner la page comme l’Allemagne le fit pour la Shoah. Tant qu’elle ne le fera pas, nous serons des adversaires implacables, intransigeants, irréductibles à son entrée dans l’Union européenne.

“Ils sont tombés pour entrer dans la nuit
Éternelle des temps au bout de leur courage
La mort les a frappé sans demander leur âge
Puisqu’ils étaient fautifs d’être enfants d’Arménie.”

Albert Kalaydjian